Les archives du Bureau de Salubrité publique qui couvrent la période de 1865 à 1957 sont désormais entièrement traitées et inventoriées. Leur description est accessible en ligne depuis la base de données Adhémar.
Dès le milieu du XIXe siècle, le Conseil de Santé puis Bureau de la Salubrité publique est en charge du contrôle sanitaire de certaines populations (enfants, malades, étrangers, prostituées), d’effectuer l’inspection sanitaire des bâtiments et une veille épidémique ainsi que de mettre en œuvre les programmes de vaccination antivariolique. En presque deux siècles, ce service évolue selon les besoins de santé et sociétaux et devient aujourd’hui celui de la médecin cantonale qui s’inscrit dans la continuité des services d’hygiène formés au XIXe siècle.
Ce fond très riche permet de saisir les politiques de santé publique adoptées à Genève dès les années 1865. Les chercheurs et chercheuses trouveront dans ce fonds des rapports, de la correspondance et des registres, témoins de la rationalité administrative au service de la police médicale. L’activité croissante du Bureau de salubrité montre une volonté de renseignements statistiques propre au XIXe siècle. Dans le respect des délais légaux, il est possible de documenter le travail quotidien des médecins hygiénistes. Afin de contenir d’éventuels foyers épidémiques comme la variole ou la rougeole, les campagnes de vaccination menées auprès de la population et la consignation systématique des maladies infectieuses font partie des priorités sanitaires fixées par les autorités. Les tâches des médecins s’étendent à tous les aspects de la santé publique. Par exemple, la qualité des denrées alimentaires d’usage courant tels que la viande, le vin, l’eau ou le lait est régulièrement évaluée afin d’en garantir leur consommation. On trouve également dans ce fonds des analyses chimiques de stupéfiants et des autorisations de vente de drogues délivrées aux pharmacies.
De plus, le fonds représente un intérêt certain pour qui s’intéresse à la salubrité publique des logements. Les rapports d’enquête en cas de maladie dressent le nom de la personne atteinte et le type de maladie, mais aussi l’état du logement dans lequel elle réside ainsi que la provenance de l’eau qui alimente l’habitation. Les rapports des visites sanitaires des écoles mentionnent par ailleurs le type de chauffage, la température et le niveau d’humidité du local et les défauts constatés, comme l’exiguïté des locaux, le manque d’air ou de lumière. Les registres des plaintes mentionnent les défauts de salubrité et les réparations à effectuer dans les logis. Dans une perspective hygiéniste, ces renseignements sur l’état du bâti public et privé s’inscrivent dans la modernité urbanistique voulue par les élites genevoises dès le XIXe siècle.
Pour effectuer une recherche : sur Adhémar, saisir « Service cantonal d’hygiène » dans le champ fonds pour la première partie de ces archives et « Bureau de salubrité publique – Société d’hygiène » pour la deuxième partie.
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Pour en savoir plus : histoire administrative
Au XIXe siècle, à Genève comme ailleurs, les théories hygiénistes se développent et prennent en compte l’influence de l’environnement sur la santé publique. Les épidémies de choléra, de variole, de tuberculose, de diphtérie etc. provoquent de nombreux décès et impactent les sociétés. Les modes de contamination connus (par l’eau, par l’air, par les animaux, sexuels) génèrent des adaptations des politiques de santé publique. Par exemple, dès les années 1850, le contrôle sanitaire de certaines populations (enfants, malades, étrangers, prostituées), la désinfection des lieux d’habitation ou encore les campagnes de vaccinations sont des mesures qui permettent de contenir les épidémies.
À Genève, ces mesures prophylactiques sont du ressort du Bureau de Salubrité Publique. L’inspection sanitaire des bâtiments, la gestion d’une veille épidémique grâce à l’obligation d’annonce de certaines maladies (arrêté cantonal du 13 janvier 1891) ainsi que la mise en œuvre des vaccination antivarioliques (l’Institut vaccinal de Lancy est fondé en 1882 avec la culture autonome du cow-pox spontané) sont les tâches principales du Bureau.
Parmi ses nombreuses attributions, relevons que le Bureau surveille la qualité de l’air dans les habitations et la conformité des constructions (cheminées, murs). Il participe à la délivrance des autorisations de construire et des permis d’habitation. Il contrôle la qualité de l’eau, des denrées et boissons et est compétent pour infliger des contraventions en cas de fraude. Jusqu’en 1915, il est chargé du service sanitaire des écoles du canton et organise des visites sanitaires deux fois par années. Il enquête en cas de déclarations de maladies infectieuses et procède aux vaccinations officielles qui sont gratuites. À cela s’ajoutent les visites mortuaires, la tenue d’une statistique médicale (cause des décès) et la surveillance des drogues et des pharmacies.
En 1857, le Bureau de Salubrité publique remplace le Conseil de Santé, qui est dissout en vertu de l’arrêté du Conseil d’État du 27 janvier 1857. Rattaché au Département de Justice et Police, le Bureau de Salubrité publique a pour tâche de rendre la « police médicale » plus efficace. Toutefois, entre 1857 et 1884, le Bureau n’est pas encore organisé. Plusieurs règlements et arrêtés régissent la « commission temporaire de salubrité publique ou la “section de salubrité publique ». (Par exemple le Règlement général de Police concernant la propreté et la salubrité publiques, 2 mars 1877).
En octobre 1884, le Bureau est réorganisé sous le patronage du Dr. Alfred VINCENT (1850-1906), inspecteur puis directeur du Bureau depuis 1882. Il applique la loi sur l’organisation et la compétence du Bureau de Salubrité Publique du 27 octobre 1884 qui renouvelle les attributions du service. Dès 1884, le service compte un médecin directeur, un médecin adjoint, un chimiste, un aide-chimiste, un architecte, six commis dont un secrétaire. Dès 1886, le Bureau déménage au 11, rue Calvin dans des locaux qu’il occupera jusqu’en 1910.
En 1908, sous la direction du Dr. Hector CRISTIANI, le Bureau se mue en Service d’Hygiène. La Loi sur l’organisation et la compétence du Service d’Hygiène du canton de Genève du 30 mai 1908 en améliore l’organisation et en développe les compétences.
Un service de « prophylaxie et de désinfection » se développe tandis qu’une collaboration avec le Laboratoire d’hygiène de l’Université se met en place. L’innovation majeure du Service est l’établissement d’un « Cahier sanitaire d’habitation » afin de réunir les informations relatives à l’état sanitaire de chaque maison (plans de l’immeuble, données statistiques démographiques et sanitaires, interventions et enquêtes du service d’hygiène).
En 1915, le service se modifie à nouveau en vue de faciliter la liaison des divers secteurs entre eux. En vertu de la loi sur la compétence et l’organisation du Service d’Hygiène promulguée le 10 juillet 1915, le poste de « Directeur scientifique » (anciennement « Directeur du Service d’hygiène ») ainsi que le « service de la sécurité des constructions et de surveillance du ramonage » sont créés. Les institutions officielles relatives à l’hygiène dans le canton de Genève sont composées du Service cantonal d’hygiène et de l’Institut d’hygiène et de bactériologie de l’Université. Un nouveau bâtiment, situé au Quai de l’École-de-médecine et construit à dessein, fournit des locaux modernes et fonctionnels à ces services. L’inauguration officielle de ce bâtiment, nommé « Institut d’Hygiène », a lieu le 31 janvier 1916. L’autre changement significatif est le détachement définitif du service médical scolaire qui est désormais rattaché au Département de l’Instruction Publique.
Chaque année, le nombre d’affaires traitées par le Service d’Hygiène augmente, amplifiant ainsi ses activités. Au 31 décembre 1921, le personnel est composé de vingt-sept fonctionnaires, d’un médecin chargé des visites sanitaires, de douze médecins chargés des visites mortuaires et des vaccinations publiques et gratuites et de treize maîtres ramoneurs.
En 1924, une restructuration abroge le poste de directeur scientifique. (Loi modifiant la loi du 10 juillet 1915 sur le Service d’Hygiène du 4 octobre 1924). Dès cette date, un chef de service administratif et une personne chargée du conseil scientifique sont à la tête du service.
En 1946, sous l’impulsion du Dr. Edmond GRASSET (1895-1957) qui reprend la fonction de directeur, une réorganisation et un renouvellement du service débute. La modernisation des équipements techniques et la nouvelle dénomination du service en Institut d’Hygiène en témoigne (à ne pas confondre avec le bâtiment nommé Institut d’Hygiène qui réunit les institutions officielles de l’hygiène, soit anciennement le Service d’Hygiène et l’Institut d’hygiène et de bactériologie de l’Université). En 1947, la fonction de « médecin cantonal » est créée.
Entre 1954 et 1960, le service se réorganise pour répondre à diverses lois et ordonnances fédérales et cantonales, notamment sur l’exercice des professions médicales, sur le contrôle des eaux usées et sur le contrôle des médicaments. Dans le cadre de la lutte contre la tuberculose, le centre de vaccination BCG est inauguré le 1er février 1955.
En 1964, le «service médical et prophylactique » de l’Institut se renomme « service du médecin cantonal».
Dès 1973, l’Institut est scindé en deux entités administratives. L’Institut d’Hygiène I coordonne les services de chimie, de bactériologie et de virologie tandis que l’Institut d’Hygiène II supervise les services du médecin cantonal et des vaccinations.
En 1988, la nomination d’un nouveau médecin cantonal (Michel VOUILLOZ) occasionne le début d’une restructuration du service. Le 1er janvier 1992 l’ Institut d’Hygiène est officiellement dissout. Les services qui formaient l’Institut d’Hygiène, à savoir le service du médecin cantonal, le service du pharmacien cantonal, le service du chimiste cantonal et le service de bactériologie et virologie deviennent autonomes et sont administrés par la Direction de la santé publique (Département de la prévoyance sociale et de la santé publique, voir l’historique des appellations).
Le service actuel du médecin cantonal s’inscrit dans la continuité des services d’hygiène formés au XIXe siècle.