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Côté chaire côté rue. La Réforme à Genève, 1517-1617


Une exposition virtuelle, sous la forme d’une storymap, propose une visite en ligne:
www.ge.ch/archives-expo2017

Affiche de l'exposition

L’exposition présente l’impact de la Réforme sur la vie quotidienne des Genevois. Si l’on célèbre cette année les 500 ans de la protestation de Martin Luther (1483-1536) contre les indulgences par ses 95 thèses en octobre 1517, cet événement n’a pas eu de véritables répercussions sur Genève avant le début des années 1530. Les idées luthériennes, qui se sont diffusées dans la cité dès les années 1520, engendrent alors une agitation religieuse qui n’est pas le fait de l’action individuelle d’un réformateur, mais qui émane d’une mobilisation collective. C’est ce que cette exposition voudrait illustrer. Il s’agit à la fois de montrer comment les Genevois se sont impliqués dans le processus de Réforme et de mettre en évidence la manière dont la conversion religieuse de la ville a affecté leur quotidien. Les archives se font en effet l’écho de l’activisme, des résistances ou de l’adaptation des différents acteurs – hommes, femmes comme enfants – et soulignent les changements réels – ou mythifiés – qu’impose la pratique du nouveau culte.

L’exposition aborde cette thématique en trois temps. Une première période (1517-1555) retrace l’introduction de la Réforme à Genève. Les prêches de Guillaume Farel (1489-1565) nourrissent l’effervescence religieuse qui s’exprime parfois par l’iconoclasme. La deuxième période (1555-1575) décrit la Réforme vécue «au quotidien». La population s’adapte aux nouvelles liturgies, côtoie les élèves de l’Académie, accueille l’afflux des réfugiés et subit les contraintes disciplinaires. Finalement, la troisième période (1575-1617) voit s’apaiser les esprits et la discipline s’assouplir. Les Genevois trouvent peu à peu un nouvel équilibre et l’année 1617 offre l’occasion de célébrer les cent ans de la Réforme.

L’exposition revisite également certains mythes sur la Réforme, par exemple son rapport à la danse, aux tavernes et au théâtre.

Les AEG conservent, restaurent et numérisent les documents sur lesquels les historiens travaillent. La présentation d’un projet de numérisation et de restauration systématique des archives de l’Église protestante complète cette exposition et met en évidence le travail historique en lien avec l’archive.

Cette exposition a lieu dans le contexte du 500e anniversaire de la Réforme luthérienne (1517). On pense communément que la Réforme genevoise commence en 1536. Or, l’adoption officielle par l’assemblée des citoyens genevois le 21 mai 1536, avant même l’arrivée de Jean Calvin dans la cité, ne vient qu’entériner un long processus dont les prémisses sont apparues à Genève – comme un peu partout en Europe – près de quinze ans auparavant, avec la première diffusion des idées luthériennes.

Conception
Christian Grosse
Nicolas Fornerod
​Anouk Dunant Gonzenbach

Équipe de travail
Nicolas Fornerod, Université de Genève, Institut d’histoire de la Réformation, département d’histoire générale
Geneviève Gross, Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS)
Christian Grosse, Université de Lausanne
Daniela Solfaroli Camillocci, Université de Genève, Institut d’histoire de la Réformation
Sonia Vernhes-Rappaz, Université de Genève, équipe Damoclès
Anouk Dunant Gonzenbach, Archives d’État de Genève

1 – Introduction


Cette exposition présente l’impact de la Réforme sur la vie quotidienne des Genevois. Si l’on célèbre cette année les 500 ans de la protestation de Martin Luther contre les indulgences par ses 95 thèses en octobre 1517, cet événement n’a pas eu de véritables répercussions sur Genève avant le début des années 1530. Les idées luthériennes qui se sont diffusées dans la cité dès les années 1520, engendrent alors une agitation religieuse qui n’est pas le fait de l’action individuelle d’un réformateur, mais qui émane d’une mobilisation collective. C’est ce que cette exposition voudrait illustrer. Il s’agit à la fois de montrer comment les Genevois se sont impliqués dans le processus de Réforme et de mettre en évidence la manière dont la conversion religieuse de la ville a affecté leur quotidien. Les archives se font en effet l’écho de l’activisme, des résistances ou de l’adaptation des différents acteurs – hommes, femmes, comme enfants – et soulignent les changements réels – ou mythifiés – qu’impose la pratique du nouveau culte.

L’exposition aborde cette thématique en trois temps. Une première période (1517-1555) retrace l’introduction de la Réforme à Genève. Les prêches de Guillaume Farel nourrissent l’effervescence religieuse qui s’exprime parfois par l’iconoclasme. La deuxième période (1555-1575) décrit la Réforme vécue « au quotidien ». La population s’adapte aux nouvelles liturgies, côtoie les élèves de l’Académie, accueille l’afflux des réfugiés et subit les contraintes disciplinaires. Finalement la troisième période (1575-1617) voit s’apaiser les esprits et la discipline s’assouplir. Les Genevois trouvent peu à peu un nouvel équilibre et l’année 1617 offre l’occasion de célébrer les cents ans de la Réforme.

Les Archives d’Etat de Genève conservent, restaurent et numérisent les documents sur lesquels les historiens travaillent. La présentation d’un projet de numérisation et de restauration des archives de l’Eglise protestante complète cette exposition et met en évidence le travail historique en lien avec l’archive.

Cette exposition a lieu dans le contexte du 500e anniversaire de la Réforme luthérienne (1517). On croit communément que la Réforme genevoise commence en 1536. Or, l’adoption officielle par l’assemblée des citoyens genevois le 21 mai 1536, avant même l’arrivée de Jean Calvin dans la cité, ne vient qu’entériner un long processus dont les prémisses sont apparues à Genève –comme un peu partout en Europe- près de quinze ans auparavant, avec la première diffusion des idées luthériennes.

Une exposition virtuelle, sous la forme d’une StoryMap, propose une visite en ligne

Côté chaire côté rue. La Réforme à Genève 1517-1617


Conception

Christian Grosse

Nicolas Fornerod

Et les Archives d’État de Genève

Équipe de travail

Nicolas Fornerod, Université de Genève, Institut d’histoire de la Réformation, département d’histoire générale

Geneviève Gross, Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS)

Christian Grosse, Université de Lausanne

Daniela Solfaroli Camillocci, Université de Genève, Institut d’histoire de la Réformation

Sonia Vernhes-Rappaz, Université de Genève, équipe Damoclès

Archives d’État de Genève

2 – Première période (1517-1555) : une Réforme « zwinglienne »


A la fin des années 1520, un ensemble de circonstances favorise la diffusion des nouvelles idées religieuses en Suisse romande. Favorable dès 1522 à une prédication centrée sur le commentaire évangélique, Berne suit le mouvement de Réforme initié à Zurich par Uldrich Zwingli et finit par rejeter la messe en 1528. A partir de l’année suivante, Berne travaille par conséquent à promouvoir une prédication « évangélique » en direction du Pays de Vaud et de Genève, sur lesquels s’étendent ses ambitions d’expansion territoriale.

Des marchands et artisans faisant partie de l’élite dirigeante de Genève cherchent à cette époque à rapprocher leur ville des Confédérés – projet qui les fait désigner comme « Eidguenots » (Eidgenossen). Fribourg et Berne constituent en particulier pour ce milieu un modèle de gouvernement républicain et la meilleure garantie d’une protection contre le duc de Savoie qui tente d’affirmer sa souveraineté sur Genève. Après plusieurs années de lutte entre les « Mamelus », partisans du duc de Savoie, et les Eidguenots, ces derniers l’emportent et parviennent à conclure en 1526 avec Fribourg et Berne une alliance, ou « combourgeoisie », qui assure à la ville un secours militaire en cas d’attaque savoyarde.

Cette alliance facilite la diffusion des idées zwingliennes à Genève. Dès 1532, avec le soutien de Berne, le prédicateur dauphinois Guillaume Farel devient le principal promoteur de ces idées. Il est aidé par d’autres prédicateurs, dont Antoine Froment puis Pierre Viret, et plus largement, par des bourgeois qui se transforment en militants de la Réforme. Prédications dans des espaces privés puis publics, mise en circulation d’imprimés, abstention des obligations rituelles liées au calendrier liturgique traditionnel, célébration séparée des sacrements, perturbation des cultes catholiques et harcèlement du personnel ecclésiastique forment la base de leurs moyens d’action. Cette stratégie donne rapidement des résultats. Le Conseil des Deux-Cents suspend la célébration de la messe le 10 août 1535. Le Conseil général rend cette décision irréversible le 21 mai 1536.

Genève passe ainsi définitivement à la Réforme, tout en consolidant son alliance avec Berne. La majorité du clergé catholique quitte la ville. L’urgence est alors à la construction d’une Eglise réformée. C’est pour le seconder dans cette entreprise, que Farel retient Calvin, de passage dans la ville durant l’été 1536. Ils tentent de jeter les bases de cette Eglise en faisant adopter en janvier 1537 des « Articles » qui lui donnent une sorte de constitution et en s’efforçant d’obtenir de tous les citoyens une prestation de serment pour garantir l’unité religieuse. Cette première tentative échoue cependant devant l’opposition d’une partie des citoyens. Elle se termine par l’exil des deux prédicateurs en 1538.

De retour en 1541 à la faveur d’un renversement de majorité dans les conseils, Calvin parvient à négocier avec les magistrats des Ordonnances ecclésiastiques qui constituent le fondement juridique de l’Eglise réformée de Genève pour toute la durée de l’Ancien Régime et une source d’inspiration pour les nombreuses Eglises réformées.

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Transcription du document CH AEG R.C. 29 f. 112-113

 

Adoption de la Réforme en Conseil général
21 mai 1536

Dimenche vingt et ung de may 1536

C. Savoye

Est. Chap. Rouge

A. Porral

He. Levet, sindicques

Hud. du Mollard, M. Sept, Jehan Cocquet, Francoy Favre, Do. Darlod; A. Bandire, A. Chappeaulx Rouge, B. Messeri, M. Morel.

Le Conseil General, en Cloistre

Jouxte la resolution du Conseil Ordinaire, est esté assemblé le General au son de la clouche et à la trompete, ainsy qu’est de coustume. Et par la voye de monsr Claude Savoye, premier sindicque, est proposé l’arrest du Conseil Ordinaire et de Deux Centz touchant le mode de vivre. Et après ce, aulte voix est esté demandé s’il y avoit aulcungs qui sceusse et volsisse dire quelque chose contre la parolle et la doctrine que nous est en ceste cité precchee, qu’il le dyent et à scavoir si trestous veulent pas vivre selon l’evangille et la parolle de Dieu, ainsy que dempuys l’abolition des messes nous est esté presché et se presche tous les jours, sans plus aspirer ny voloir messes, ymaiges, ydoles ny aultres abusions papalles quelles qu’elle soyent. Sur quoy, sans point d’aultre voix qu’une mesme, est esté generalement arresté et par elevation des mains en l’air conclud, et à Dieu promys et juré, que trestous unanimement, à l’ayde de Dieu, volons vivre en ceste saincte loix evangellicque et parolle de Dieu, ainsyn qu’elle nous est annuncee, veuillans delaisser toutes messes et aultres  ceremonies et abusions papales, ymaiges et ydoles, et tout ce que cela porroit toucher, vivre en union et obeissance de justice.

Adoption de la Réforme le 26 mai 1536CH AEG R.C. 29, f. 112-113.


Transcription: Registres du Conseil de Genève, Publiés par la Société d’histoire et d’archéologie de Genève, Genève, 1900-1940, T. 13: Du 3 juillet 1534 au 23 mai 1536, pp. 576-577.

3 – Les réformateurs de la première heure


Dès la fin des années 1520, des petits groupes de prédicants itinérants, pour la plupart d’origine française, sont engagés et soutenus par la ville de Berne comme « ministres » de la Parole. A l’exception de Guillaume Farel, originaire de Gap en Dauphiné, ancien professeur de grammaire et de philosophie à Paris, ces prédicants ne sont pas des théologiens de l’université et ont accompli d’autres formations. De diverses origines sociales, ils n’appartiennent pas aux élites locales : il y a des anciens clercs et des religieux sortis de leurs couvents, des hommes de lettres mais aussi des marchands, comme Baudichon de la Maison Neuve.

Les premières prédications clandestines ont lieu dans des espaces privés : un jardin, situé à l’extérieur des murailles, près de l’une des portes, les domiciles de l’un ou l’autre des militants de l’Evangile. Farel est épaulé par son compatriote Antoine Saunier, un homme de lettres emprisonné à Paris pour hérésie et devenu pasteur de Grandson et Payerne sous la protection des Bernois. Ils seront bientôt aidés par deux jeunes prédicants, Pierre Viret et Antoine Froment.

Pierre Viret est le seul réformateur romand du groupe. Né à Orbe d’un père tondeur de drap et tailleur, il rejoint le groupe de Farel à la fin de 1530 après ses études des arts libéraux à Paris. Il prêche à Orbe et à Genève puis s’installe à Lausanne comme pasteur.

Antoine Froment, originaire du Dauphiné, se présente comme maître d’école à Genève où il prêche un premier sermon à la place du Molard en 1532. Il exerce ensuite également une activité de marchand de vin. Son épouse Marie Dentière de Tournai, une ancienne nonne, participe également aux prédications évangéliques pour convertir les femmes genevoises et notamment les religieuses. Dès 1534 la propagande reçoit le soutien des magistrats. La Réforme est adoptée en mai 1536.Deux mois plus tard, un jeune savant picard, Jean Calvin, passe par Genève sur sa route pour Strasbourg. Farel le convainc de rester afin de soutenir l’action de construction religieuse. Cette entreprise se passe dans des tensions. Calvin et Farel sont finalement expulsés en 1538. Est alors nommé Antoine Marcourt, le premier pasteur de Neuchâtel, un ancien religieux d’origine picarde et auteur de nombreux traités contre la religion traditionnelle. Il démissionne en 1540, en raison des oppositions rencontrées dans son activité. Il ne sera pas réintégré par l’église de Neuchâtel dont Farel est désormais le principal responsable et il terminera ses jours dans la paroisse rurale de Saint-Julien en Genevois. Les Genevois appellent alors Viret, qui va finalement solliciter le retour de Calvin.

Farel, Viret et Froment sont reconnus à leur époque comme les principaux propagandistes de la Réforme et ce même par leurs opposants. Leur action se fait dans la collaboration avec plusieurs autres propagandistes des idées évangéliques, hommes et femmes. Toutefois, conflits personnels et tensions ecclésiastiques suscitent des divisions. Froment ne parviendra pas à se faire reconnaître dans son statut de réformateur ; son épouse Marie Dentière sera également critiquée par Farel et Calvin pour sa liberté de parole.

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4 – Exorciser l’idolâtrie: la conversion religieuse par l’iconoclasme


La destruction des images fut l’un des modes d’action qui permit aux premiers convertis de devenir acteurs des événements qui vont marquer le passage de la ville à la religion réformée. L’iconoclasme confond dans sa violence plusieurs sortes d’objets : des « images », telles que tableaux ou statues, des objets liturgiques – ustensiles, hosties – ou du mobilier liturgique, tel que croix, cloches ou autels, dont la plupart de ces derniers renferment des reliques.

Plusieurs motivations se mêlent à cette violence : le ressentiment contre les clercs, l’évêque en particulier, dont la souveraineté sur la ville fait obstacle à son émancipation politique, les moines et moniales accusés de détourner la charité chrétienne à leur profit, les prêtres plus généralement, dont on rejette la « tyrannie » sur les consciences par le biais de la confession. Elle constitue aussi une opportunité d’enrichissement, par la vente des images et objets de valeurs. Elle est aussi politique, dans le sens où le « nettoyage » des églises sanctionne la victoire des idées réformées. Elle demeure cependant avant tout religieuse parce qu’elle met à l’épreuve une certaine modalité de la présence du divin au monde. Décapiter la statue d’un saint, donner des hosties à manger aux chiens ou aux chevaux, fracturer les reliquaires ou démonter les autels revient à exorciser une présence matérialisée du sacré, soit en démontrant la mécanique d’une tromperie – les voix que l’on entendait auparavant dans tel autel ne sont que l’effet de tuyaux qui y étaient dissimulés –, soit en contraignant le divin à se défendre : l’absence de réaction du saint atteint dans son image apporte la preuve de l’impuissance de cette dernière.

L’iconoclasme de la Réforme genevoise se déploie en trois phases. La première correspond à une action de conquête. Les destructions signalent la dissidence religieuse en s’attaquant aux images disposées dans les lieux publics. Elles sont le fruit d’une violence clandestine.

La deuxième phase donne lieu à une violence purificatrice. Celle-ci explose au moment où les militants de la nouvelle foi s’emparent de lieux de culte qu’ils vident alors des supports matériels d’une dévotion traditionnelle qu’ils considèrent comme une idolâtrie et une souillure, parce qu’elle détourne en direction d’images fabriquées par la « créature » l’honneur dû au seul « Créateur ». Ce travail de purification intervient une première fois lors de la prise du couvent de Rive en mars 1534, puis une seconde fois, lorsque les militants investissent la cathédrale Saint Pierre, en août 1535.

La troisième phase commence lorsque les autorités s’efforcent de mettre fin à la violence collective en prenant le contrôle du processus d’élimination des traces de l’idolâtrie dans les églises. Il s’agit alors à la fois de rétablir l’ordre et de tirer profit de la vente des biens ecclésiastiques pour alimenter les finances de la cité et en particulier la charité publique. L’espace public est dépouillé de toute image religieuse et les églises profondément transformées. Non seulement les tableaux, les statues et les autels sont débarrassés, mais l’ensemble des images et des décors peints sur les murs sont recouverts d’un badigeon blanc. Les églises reçoivent ainsi style esthétique qu’elles conserveront durant tout l’Ancien Régime. Cette phase se prolonge jusqu’en 1556, lorsque la foudre tombée sur une croix qui ornait encore le clocher de la cathédrale sonne comme un avertissement divin et une incitation à achever le travail de purification. Toutes les croix qui se dressaient encore à ce moment-là en ville ou dans les paroisses de campagne sont alors définitivement abattues.

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Transcription du document CH AEG P.H. 1135, f. 1 à 3v.

 

« Divers inventaires des joyaux, meubles et effets trouvés dans les églises de Genève et leurs dépendances lors de la Réformation »
17 août 1535

Inventoyre faictz des Joyaulx de l’esglise sainct Pierre par messgrs les Sindicques assistantz d’iceulx les seigneurs sindicques Chicand et Philippin et Noble Glaude Savoex et Loys Dufour conseillers commis, present Reverend seigr Michiel Nauis chanoyne, messire Pierre Falconet, Jaques Morel et plusieurs aultres tesmoings assistant.
Messire Jaques Morelli ovrier d’icelle esglise revelle qu’il y a de perdu les pieces suyvantes.
Premierement la croix d’argent doré prinse au petit autel dernier le grand au bordon.
Item dedans l’armayre aupres de la porte du Revetisseur a esté pris ung calice, la coppe d’argent le pied pomeau et patene d’aultre matiere argentée.
Item audictz lieu a esté prinse la patene doree dor du calice du grand autel.
Item audictz lieu a esté prinse une bourse blanche a deux enchatres et en icelle la somme de vingtz et quatre solz en argent d’offertoyre.
Item auditz lieu on esté prinses deux ayguyeres d’estain.
Item auditz lieu priins deux chandelliers de fer.
Item auditz lieu une boyte et dedans icelle une livre de ensayn.
Item audit lieu prins unes torqueyses et ung martellet avecques quelques aultres besoignes.
Item un grand chandellier devant le grand autel prins troys grands syres du poys l’environ 30 livres.
Item au grand aultel (sic).
Item vers le grand crucifix en deux queysses douze chandoylles de syre du poys l’environ 15 livres.
Item en l’armeyre de sainct Anthoenne prins les relyqueyres de S. Alex d’argent fin, les relyques enchassés dans cristallin, aussi le reliquayre de sainct Anthoenne en argent ou cuyvre doré.
Item audict armeyre une bourse de damas ver, en ycelle plusieurs reliques.
Item audict armeyre prins ung calice et une tasse d’estain.
Item prins en l’armeyre de la chappelle de Nostre Dame 3 ampolles d’estain ou hon reposoit la saincte Creme, et chescune tenoyt l’environ deux quarterons. Prins aussi audict lieu troys petys flascons d’estain.
Dedans le revetisseur sont estés trovés les joyaulx suyvant.
Premierement une rose d’argent dorée avec son pied de cuyvre dorée.
Item deux grands bastons d’argent.
Item le test (texte) de l’evangille d’argent quelque peult doré.
Item une table d’argent en la quelle a ung crucifix out sont des reliques.
Item une main et ung pied d’argent a folliage.
Item ung offertoyre d’argent que se porte aux Roys et dedans ung reliquayre d’argent doré out il az une dent de sainct Pierre.
Item ung reliquayre de cuyvre doré out il az des reliques.
Item une table d’argent et dedans de boys au quel est sainct Bartholomé doré.
Item ung offertoyre d’argent pour les Roys.
Item ung escrin de boys argenté ou sont dez reliques des Innocentz; c’est ung pied.
Item une petite boyte.
Item une petite croys d’argent avecque son pied doré et dedans quatre pieces de boys de la Croix.
Item deux chandelliers, ung ensensier et une navete d’argent.
Item ung calice et sa patene d’argent doré de la chappelle de sainct Anthoenne qu’ast esté remys en l’arche d’icelle chappelle.
Item un baston d’argent out sont les armes de de Malvenda.
Item ung torribule d’argent doré ensemble navete d’argent doré.
Item ung collatere out il az ung fremault d’argent.
Item la paix d’argent doré a ung crucifix esmaillié.
Item la custode d’argent doré.
Item une Nostre Dame d’argent, le pied de cuyvre.
Item deux ayguyeres d’argent out sont les armes de Albie.
Item le grand messal les fremaulx d’argent.
Item une croys avec que son pied d’argent doré.
Item sainct Pierre avecque son pied et ses clefz d’argent doré.
Item une petite croys d’argent doré que l’on met a l’evesque disant messe, dans icelle du boys de la Croys.
Item deux petites ayguyeres de cristallin enchassés en argent doré.
Item deux petites queysses et ung reliquayre de boys covers d’argent doré.

« Divers inventaires des joyaux, meubles et effets trouvés dans les églises de Genève et leurs dépendances lors de la Réformation » (17 août 1535) - fol. 1 recto

« Divers inventaires des joyaux, meubles et effets trouvés dans les églises de Genève et leurs dépendances lors de la Réformation » (17 août 1535) - fol. 2 recto

« Divers inventaires des joyaux, meubles et effets trouvés dans les églises de Genève et leurs dépendances lors de la Réformation » (17 août 1535) - fol. 3 recto

« Divers inventaires des joyaux, meubles et effets trouvés dans les églises de Genève et leurs dépendances lors de la Réformation » (17 août 1535) - fol. 3 verso

CH AEG P.H. 1135, f. 1 à 3v.


Transcription: Inventaire des documents contenus dans les portefeuilles historiques et les registres des Conseils avec le texte inédit de diverses pièces de 1528 à 1541, publiés par F. Turrettini avec le concours de A.-C. Grivel , Genève, 1877, p. 120 et suivantes.

Transcription du document CH AEG R.C. 51, f. 255v.-256

 

La foudre s’abat sur la croix du clocher de Saint-Piere
10 août 1556

Fouldre au clochier S. Pierre du rologe [horloge] a pointe. Icy Thivent de Baptista, guex, a hurté à la porte annunçant que le feu estoit en la pointe du clochier S. Pierre. Parquoy promptement chacun s’est levé pour aller au secours.

Or, comme on a trouvé et veu occulairement et moymesmes ay visité, estans faitz grands toneres la foudre a frappé sus le pomeau de cuyvre doré d’or, estant dessoubz la croix du clochier pointu de S. Pierre, lequel pomeau elle a percé de part en part faisant ung pertuys rond de la grosseur de deux doigs et de là est entré dedans le clochier en apres avoir quelque temps fumé, la flamme en est sortie et a bruslé depuys la pointe jusques à la cloche du reloge. Tellement que ladite croix est tumbee sus le toit de la crotte [grotte] S. Pierre et a percé ledit toit sans totesfois percer la crotte. Il y a heu une douzaine de compagnons estans aux clervoys dudit clochier et là où estoit ce feu, lesquelz a l’ayde de Dieu ont heu grande peyne et en grand dangier comme environnez  de feu. Tellement que Dieu est à remercier qu’ung tel dangier ne se soit estendu plus loing et entre aultres choses ceste cy est notable que la munition et poudre estant au dessus et au sougon  de la chapelle du Cardinal a esté subitement transporté en la maison de la Ville. Et les greniers estans dessoubz preservez indemnez combien que le feu soit tombé à quatre ou cinq pieds prez du lieu de ladite munition. On a employé grande quantité de vin pour esteindre le feu. L’eau ny a pas fally, graces à Dieu, veu mesmes que pendant ledit ovaille* il n’a cessé de pleuvoir fort.

De sorte qu’en tout tel accident nous povons recuillir une grand bonté de Dieu de nous avoir si gratieusement visitez veu que c’estoit honte que telle croix et comme marque ou enseigne de la diablerie papalle fut là laissee.

Et generalement nous avons à nous humilier recognoissans la main forte du Seigneur et le prier de detourner son ire en dessus noz pechez, nous recevant a sa misericorde et preservant par sa bénignité à son honneur et gloire avancement de son Eglise et de ceste pauvre cité et republique et à la confusion de ses ennemys  meschans ennemis et qui de ses verges se moqueront ou en auront rejouissance.


* Catastrophe naturelle (tempête, gel, incendie, etc.).

Suppression des croixCH AEG R.C. 51, f. 255v.-256r.

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5 – Les enfants, acteurs de la réforme


La place des enfants a été importante à plus d’un titre dans la Réforme genevoise. Ils ont joué, dès le départ, un rôle actif. Le récit que le réformateur Antoine Froment donne de ces événements souligne leur participation aux moments clés de la Réforme et démontre par là que c’est en réalité Dieu lui-même qui agit à travers les enfants. Selon ce récit, les enfants constituèrent dans un premier temps des acteurs centraux de la diffusion des nouvelles idées religieuses dans la ville. Quelques années plus tard, lorsque ces mêmes idées auront gagné un nombre suffisant de partisans pour que les rapports de force politiques au sein de la cité commencent à basculer en leur faveur, on retrouve les enfants au cœur de l’action. Le 8 août 1535, les militants de la nouvelle foi s’emparent de la cathédrale et s’y livrent à des actes d’iconoclasme. Selon le même récit, ce sont les enfants qui initient une violence iconoclaste interprétée comme un acte purification des églises, ainsi débarrassées des signes de l’idolâtrie.

Les enfants sont aussi un enjeu de la Réforme. L’un des premiers actes que les partisans de la nouvelle foi accompliront en vue de se constituer en communauté séparée, fut la célébration d’un baptême : célébré par Pierre Viret lui-même, il eut lieu le 22 février 1534. L’usage était alors de tisser des réseaux d’alliance étroite par le biais de la désignation de parrains et de marraines. Même s’ils rompaient avec la théologie catholique du sacrement baptismal, les réformés maintenaient cet usage en choisissant pour les premiers enfants baptisés au sein de leur communauté naissante, des parrains puissants en la personne de deux représentants de la ville réformée de Berne.

A l’inverse, la victoire progressive des idées réformées se traduit l’année suivante par l’abolition d’un autre usage en rapport avec le baptême : il consistait à placer un enfant mort à la naissance sur un autel ou devant une image miraculeuse, susceptible par conséquent de lui rendre la vie un court instant, le temps de procéder à un baptême, qui lui assurait le salut et lui évitait un séjour éternel dans les limbes. Constatant, selon les termes de son secrétaire qu’ « on n’en a jamais vu revenir à la vie », le Petit Conseil interdit aux moines augustins de Notre-Dame-de-Grâces d’accueillir des enfants morts pour les présenter devant l’image de la Vierge réputée pour son efficacité miraculeuse. Le Conseil ne s’est cependant pas contenté de cette interdiction. Il profite également de l’occasion pour réquisitionner la cloche qui annonçait le miracle à toute la ville afin de la fondre et d’en utiliser le métal pour fabriquer des canons.

Aux lendemains de la Réforme, le rôle des enfants ne cesse pas et se déploie même de manière assez paradoxale. Si l’on s’efforce de mettre en place des institutions scolaires afin de pourvoir à leur instruction et s’il leur incombe d’entrainer au temple le chant collectif des psaumes, on compte également sur eux pour assurer l’instruction de… leurs parents. On se trouve en effet durant les premières années de la Réforme dans cette situation étrange où les parents ont acquis leur bagage religieux dans un contexte catholique et où leurs enfants grandissent et s’instruisent dans le cadre de la nouvelle foi, devenant ainsi plus compétents et plus conformes dans leurs croyances à la religion de la ville que leurs parents. Le Consistoire veillant à l’instruction de tous n’hésitera pas à ordonner à certains d’entre eux de s’adresser à leur progéniture pour acquérir les rudiments de la foi réformée.

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Transcription du document CH AEG Mss. hist. 5, f. 27-28

 

« Les actes et gestes chrestiens et civilz de Genève et comment ils ont receu l’évangille, rédigé par escript en manière de chroniques annuales ou histoyres par Anthoine Froment » (1549-1550)
Récit de novembre 1532

[…] et de mettre des billets par tous les carefours de la ville (qu’on appelle escripteaux) affin qu’il peult commencer à prescher dans Geneve; la teneur des billets estoit telle:

Il est venu ung homme en ceste ville qui veult enseigner à lire et escripre en Françoys dans ung mois, à tous ceulx et celles qui vouldront venir, petites et grands hommes et femmes, mesme à ceulx qui iamais ne fuent en escolle. Et si dans le dit mois ne scavent ni lire et escripre ne demande rien de sa peine. Lequel trouveront en la grande salle du Boytet, près du Mollard, à l’enseigne de la Croix d’or. Et si guerit beaucop de malladies pour neant.

Quand les escripteaux furent placquez et mis parmy la ville, ung cahscun selon son advis en lectoit sa sentence, les ungs en bien, les aultres en mal. Les ungs disoyent; ie l’ay ouy parler, mais il dict bien: des aultres disoyent; c’est un de ces mechans Lutheriens qui nous veult abuser: et des aultres c’est un dyable qui enchante tous ceulx qui le vont ouyr, car incontinent qu’on la ouy il enchante les gens. Si est ce neantmoins qu’ils ne peulrent tant faire qui n’eux beaucop d’enfant à enseigner : ausquels monstroit non seullement à lire et à escripre, mais sa Religion, leur faisant tous les iours un ou deux sermons de la Ste Escripture au nouveau Testament. De quoy estoient  fort estonnez, car iamais n’avoient ouy telle doctrine: laquelle chose les enfans racomptoyent à leurs peres et meres, et à plusieurs aultres hommes et femmes parmy la ville, les incitant à venir ouyr cest homme, qui estoit venu de nouveau: car il enseigne disoyent ils tout aultrement que les Prebstres et aultres n’ont accoutumé de faire: et à la relaxion de ces enfans plusieurs hommes et femmes l’alloyent ouyr prescher, en celle salle, les ungs par curiosité et moquerie, les aultres pour estre instruits: mais non pas sans grandes murmures moqueries et contredictions, les ungs contre les aultres. Touteffoys le nombre d’iceulx croissoit et augmentoit grandement de iour en iour, et ceulx qui l’oyoyent et concepvoient en leur cueur quelque intelligence exortoyent leurs parens amis et voysins, et le amenoyent par subtils moyens pour ouyr cest homme.

Récit d'Antoine Froment (novembre 1532) - fol. 27 rectoRécit d'Antoine Froment (novembre 1532) - fol. 27 verso

 

 

Récit d'Antoine Froment (novembre 1532) - fol. 28 recto

CH AEG Mss. hist. 5, f. 27-28.


Transcription: Les Actes et Gestes merveilleux de la Cité de Genève  par Anthoine Fromment, mis en lumière par Gustave Revilliod, Genève, 1854, pp. 13-15.

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Transcription du document CH AEG R.C. 28, f. 49v.

 

Faux miracles, 10 mai 1535

(N. Da. de Grace.) — Ibidem fuit loquutum de illis falsis miraculis que asseruntur fieri in illo lapideo templo Augustinorum, quod dicunt Nostre Dame de Grace, quod sit contra Deum permictere quod illic afferantur infantes mortui et per cujusdam muliercule inibi quotidiane expectantis testimonium publicetur illos resurrexisse, licet nullus redivivus ibidem visus fuerit. Quapropter fuit desuper resolutum quod d. sindici illuch vadant dicantque d. sacriste ejusdem loci et eisdem inhibeant ne abinde aliquos in eadem capella recipiant nec recepi permictant infantes ad talem effectum, subpena indignationis civitatis. Hoc neominus poterit cras in consilio ducentenario poni, nisi ipsi velint per sanctas scripturas substinere illud fieri posse.

On parla de ces faux miracles que l’on dit que l’on fait dans l’Eglise des Augustins, qu’on appelle Nôtre Dame de grace, ce qui est contre Dieu de permettre qu’on y apporte des enfants morts, et qu’une certaine femmelette qui y est tous les jours témoigne et publie qu’ils sont ressuscités, quoi qu’on n’en ait vu aucun qui soit retourné en vie. C’est pourquoi on résolut que Messieurs les Syndics y iraient et défendraient au sacristain dudit lieu de recevoir ou de permettre qu’on reçoive dans ladite chapelle aucun enfant pour un tel effet, sous peine de l’indignation de la ville, à moins qu’ils ne veuillent soutenir par les Saintes Ecritures que cela se peut faire.

Faux miracles (10 mai 1535)CH AEG R.C. 28, f. 49v.


Traduction :  “Extraits des registres public d’après Flournois” , in Anthoine Froment, Les Actes et gestes, mis en lumière par Gustave Revilliod, Genève, Fick, 1854, p. CXXVI.

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6 – Les psaumes


Les psaumes: conversion et unification confessionnelle par le chant

 

La conversion de Genève à la Réforme fut un processus relativement rapide, si l’on s’en tient aux institutions. Des premiers indices de diffusions des idées protestantes à l’abolition de la messe qui officialise la rupture avec l’Eglise romaine, il faut compte à peine dix ans ; la moitié, si l’on remonte aux premières traces d’un véritable activisme protestant dans la cité. La conversion des esprits et l’unité confessionnelle au sein de la population furent plus difficiles à obtenir. Beaucoup de moyens ont été déployés pour y parvenir. On a tenté d’obliger les Genevois à prêter serment sur une confession de foi. Des catéchismes ont été rédigés par Guillaume Farel et Jean Calvin. Des leçons de catéchisme ont été instituées. Un tribunal ecclésiastique – le Consistoire – a été érigé notamment pour débusquer les ignorants en matière de foi ou les mal-croyants et les contraindre à s’instruire dans les rudiments de la religion réformée. Mais l’un des vecteurs d’unification confessionnelle les plus efficaces a sans doute été le chant des psaumes.

Dès 1537, les pasteurs ont compté sur le chant pour stimuler l’ardeur religieuse et cultiver l’unité confessionnelle. Soumettant au Petit Conseil une série d’« Articles » destinés à donner à l’Eglise ses premières bases, Guillaume Farel et Jean Calvin proposent d’introduire le chant des psaumes dans les services divins. Pour familiariser progressivement les Genevois à cet usage, ils suggèrent d’enseigner le chant d’abord aux enfants, en espérant que les fidèles adultes apprendront peu à peu à les imiter. Dans l’immédiat, le projet tourne court. Les Ordonnances ecclésiastiques, adoptées en 1541 le relance. Elles prévoient en effet que l’on introduira les « chantz ecclesiastiques pour myeulx inciter le peuple à prier et louer Dieu. Pour le commencement on apprendra le petis enfans, puis avec le tous toute l’Eglise pourra suyvre ».

Il ne s’agit en réalité d’une révolution liturgique et symbolique. Jusque-là, le chant liturgique est encore affaire de spécialistes. Il contribue même à distinguer le plus souvent le monde des clercs auxquels revient l’exercice du chant, du monde des laïcs, généralement confinés au rôle d’auditeur. Tandis que les réformés abattent à Saint Pierre le jubé – cette barrière qui séparait la nef de l’église du chœur réservé aux clercs –ils élargissent aussi le chant liturgique à l’ensemble de l’assemblée. Ils rejettent aussi le chant polyphonique et font du chant à l’unisson le vecteur d’une unité soudée par la convergence étroite de la mélodie et du texte : à chaque note de mélodie correspond une syllabe du texte. Partisans du sola scriptura – l’Ecriture seule définit les conditions du Salut – ils excluent enfin du chant tout texte qui ne soit biblique et privilégient par conséquent le chant des psaumes.

Cette grande ambition se heurte cependant à bien des difficultés. Il faut traduire les psaumes. Le poète Clément Marot s’y attelle et son travail est mis à profit par Calvin dès 1539, puis relayé par Théodore de Bèze dès 1548. Au bout de plus de vingt ans d’effort apparaît enfin le premier volume du psautier réformé, appelé à devenir le manuel élémentaire de la dévotion réformée et le recueil exclusif du chant liturgique des Eglises calvinistes. Il faut encore composer de la musique et l’imprimer, ce que les imprimeurs genevois ne seront capables de faire qu’à partir de 1551. Il faut enfin enseigner le chant et la lecture des notes, raison pour laquelle les chantres réformés rédigeront très tôt des méthodes pour faciliter leur apprentissage. Malgré tout, l’expérience est parfois décevante, et les Genevois ne se contenteront pas de chanter les psaumes au temple, mais ils s’en réapproprieront les mélodies en leur collant des paroles grivoises pour les chanter dans les tavernes.

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Transcription du document CH AEG E.C. Genthod 1, f. 9

 

Premier registre de paroisse de Genthod, 1565

Premier registre de paroisse de Genthod (1565)

On chante au sermon ces pseaumes: 1, 3, 15, 24, 42, 119 Aleph et Beth , 129, 130, 128 [sic] et quelquesfois les Comandemens. On partit chesque pseaume en deux pour l’entree et l’issue du sermon. On chante a la Cene le 23 tout du comencement et le Cantique de Symeon tout a la fin, asçavoir devant la derniere priere et action des graces . On ne dit jamais la Paraphrase de l’Oraison de Nostre Seigneur en la priere . Je ne chantois pas voluntiers au sermon quant il n’y avoit nul homme qui m’aydast, mais bien avec un homme quand il n’y eust point eu de femmes ou filles pour ayder. Il y en a qui sçavent les Pseaumes a demy ou a dire apres les autres, mais d’ordinaire il n’y a que Pierre Chapusi, Godma , La Janne de Me. Monet, La Defosses, et la fille de la Gervaise, et quant il y a des survenans de Geneve.

AEG E.C. Genthod 1, f. 9

 

 

 

 

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Transcription du document CH AEG P.H. 1170

Premier texte de constitution de l’Eglise de Genève
Ce passage institue le chant des psaumes à Genève, 16 janvier 1537

C’est une chose bien expedient à l’edification de l’esglise de chanter aulcungs pseaumes en forme d’oraysons publicqs par les quelz on face prieres à Dieu ou que on chante ses louanges affin que les cueurs de tous soyent esmeuz et incités à former [pareilles] oraysons et rendre pareilles louanges et graces à Dieu d’une mesme affection. […] Certes comme nous faysons, les oraysons des fidelles sont si froides, que cela nous doyt tourner à grand honte et confusion. Les pseaulmes nous pourront inciter à eslever noz cueurs à Dieu et nous esmouvoyr à ung ardeur tant de l’invocquer que de exalter par louanges la gloyre de son nom. Oultre par cela on pourra cognoestre de quel bien et de quelle consolation le pape et les siens ont privé l’esglise, quant il ont applicqués les pseaulmes, qui doibvent estre frays champs spirituel, à murmurer entre eux sans aulcune intelligence. La aniere de y proceder nous a semble advis bonne si aulcungs enfans, aux quelz on ayt auparavant recordé ung chant modeste et ecclesiastique, chantent à aulte voys et distincte, le peuple escoutant en toute attention et suyvant de cueur ce qui est chanté de bouche jusques à ce que petit à petit ung chascun se accoustemera à chanter communement.

Le chant des psaumesCH AEG P.H. 1170

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Transcription du document CH AEG R.C. 41, f. 88v.

 

Table pour congnoistre quel seaulme l’on doibt chanter la dimenche et le mescredi, 11 mai 1546

Table pour congnoistre quel seaulme l’on doibt chanter la dimenche et le mescredi. Les prescheurs et maistre Loïs Bourgois, maistre des enffans, a dressé une table et ordonance pour congnoistre quel seaulme l’on doibtz chanster la dimenche à matin et le soir, et pareillement le jour de la priere, requerant cella faire imprimer pour affigé es portes des temples affin que nulz n’aye cause de ingnourance. Arresté qui soyt imprimé et affiger es portes.

Décision du Conseil: « Table pour congnoistre quel seaulme l’on doibt chanter la dimenche et le mescredi » (11 mai 1546)CH AEG R.C. 41, f. 88v.

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7 – Les genevoise prêchent. Activisme et résistance


Dès le début de la Réforme, des femmes d’origines sociales diverses sont intervenues dans le débat religieux et ont encouragé la diffusion des nouvelles idées. D’autres femmes ont en revanche combattu les mutations des villes : tel est souvent le cas des religieuses qui s’opposent à la dissolution de leurs communautés. Les sources genevoises documentent cette implication des femmes laïques et des nonnes dans les troubles, leur engagement dans la prédication tout comme leurs résistances aux réformateurs.

La Petite chronique manuscrite de Jeanne de Jussie (1503-1561), originaire de Jussy-l’Evêque et religieuse au couvent des Clarisses, est une source importante pour l’histoire des origines de la Réforme à Genève. Après avoir abandonné la ville avec ses consœurs, elle note dans son récit des que de nombreuses femmes ont résisté aux tentatives de conversion en refusant de se soumettre à la volonté de leurs pères ou de leurs époux. Deux femmes des élites, Guillaumette de la Rive et Léonarde Vindret, aident les Clarisses lors du conflit qui les oppose aux magistrats. Les registres du Conseil enregistrent leur demande d’apporter un soutien matériel à la communauté féminine alors isolée. Jeanne de Jussie rend également compte des très nombreuses actions menées par les propagandistes évangéliques. Les habitantes protestantes font leur lessive pendant les jours fériés et filent ostensiblement lors de la procession solennelle de la Fête-Dieu, pour signifier leur opposition aux pratiques religieuses anciennes. Elles participent aux débats, elles sont parfois agressées et frappées dans les rues. Antoine Froment rapporte dans ses chroniques l’histoire de Claudine Levet : femme d’un apothicaire bourgeois de Genève, cette citadine est très active comme prédicatrice après sa conversion. Elle est reconnue pour sa capacité à expliquer les Ecritures, ce qui lui permet d’éclaircir plusieurs Genevois. En raison de ses dons d’esprit, les magistrats lui confient la charge de prêcher aux Clarisses, qui agressent la prédicatrice quand elle s’exprime contre leur vœu de virginité.

Marie Dentière, épouse d’Antoine Froment, participe activement à l’implantation de la Réforme à Genève. Dans une lettre ouverte publiée en 1539, elle met en avant ses idées religieuses, défend la prédication féminine et critique les magistrats qui ont banni des « vrais serviteurs » de Jésus-Christ comme Farel et Calvin. Son caractère affirmé et sa liberté de parole lui attirent les critiques des magistrats, qui censurent l’ouvrage. Quelques années après son retour à Genève, Jean Calvin lui-même n’appréciera pas les critiques explicites de l’épouse de Froment vis-à-vis de certains aspects de sa réforme ecclésiastique. En raison de son engagement théologique, le nom de Marie Dentière est désormais gravé sur le Mur des Réformateurs depuis 2002.

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Transcription du document CH AEG P.H. 1140

 

Plaintes des religieuses de Sainte Claire au sujet des dévastations commises dans leur Eglise (de la main de Jeanne de Jussie)
25 octobre 1534

Pour tres humble salut, Jhesus nostre Redempteur vous doint sa saincte grace et son amour.

Messieurs tres honnorés seigneurs nous tres aymees peres et conservateurs, plaise vos ne tenir à presumption la facherie que vous donnons par nous lettres, car il sommes contraintes pour vous advertir de nos indigences et doleances. Nous nous sommes myses soubz vostre protection et sauvegarde et en vous et à Messieurs nous confions entierement. Il est vray que hier à heure de vespres entrerent aulcuns en nostre esglise, non par devocion, mais faisant cris et brairie inpetueulx, pour nous enpechés le divin service, et prindrent une croix avecques aulcuns ymaiges, qui mirent par piece viollentement. Et ce ja la seconde fois que avons enduré tel insurte et grant fraieurs. Nous n’entendons pas que cela soit la notice à vostre Reverence, si nous en recomandons à vostre seignorie et begnyvolance, suppliant en toutes reverence, en l’honneur de Jhesuscrist et de ses doloreuses soffrances, qui vous plaise donné ordre que ne soions plus molestee de teulles insolance contre Dieu et raisons, et que l’ong nous laisse en paix faire le divin service, pour quel faire vollentairement nous sommes rencluses et donné à Dieu, prian jours et nuyt pour la conservation de la bonne cité et de vous, Messieurs, desirant continuel et de vivre et mory ycit en vostre convent, si vous plait nous il maintenir et conservés sans molestes, et de cecessit à genoulx et mains jointes vous supplions assurance et vostre noble volloir, car sens cela ne porrions vivre, veu l’espavantement que nous donons de ses insolance contre saincte Esglise. Et por la fin, nous recomandons tres humblement et en toutes reverence à vos bonnes graces et seignorie, prian Dieu vous donné tres bonne vie. Amen.

Du povre covent Madame saincte Clere, le XXV d’octobre, par les toutes entierement

Vous tres humbles filles orateresses

L’abbesse et les seurs religieuses dudict covent.

Plaintes des religieuses de Sainte Claire au sujet des dévastations commises dans leur église, de la main de Jeanne de Jussie, 25 octobre 1534CH AEG P.H. 1140


Transcription: Jeanne de Jussie, Petite chronique, Einleitung, Edition, Kommentar von Helmut Feld, Mainz, 1996, ici revue.

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8 – Les registres d’état civil avant l’état civil


Au XVIe siècle, les Eglises et les Etats déploient partout en Europe des efforts conjoints pour systématiser l’enregistrement des naissances, mariages et décès, constituant ainsi l’embryon de ce qui deviendra ensuite l’état civil. Les territoires réformés se montrent particulièrement précoces et appliqués : Berne rend cet enregistrement obligatoire dès 1528, Genève dix ans plus tard. Ce sont les hommes d’Eglise qui ont la charge de tenir à jour ces informations.

Alors que la mise en pratique de ces décisions est souvent aléatoire, à Genève, la série des registres d’état civil est continue à partir du moment où on intègre en 1550 une armoire dans les chaires où les pasteurs peuvent conserver ces précieux livres.

Il ne faut pas voir dans ces registres une activité administrative. S’ils permettent effectivement de connaître l’état de la population – à Genève on les utilise très tôt pour établir des statistiques de mort par la peste – et si les particuliers y sont aussi intéressés puisque ces documents permettent d’identifier les héritiers légitimes – leur usage est d’abord religieux. Ce sont moins des individus qui y sont enregistrés comme autant d’administrés, que des croyants appelés à accomplir un cheminement de chrétien dans la communauté de salut que forme la paroisse. A Genève, avant le dernier quart du XVIe siècle, ce n’est pas la date de naissance qu’inscrivent les ministres dans ces registres, mais celle du baptême, qui marque l’intégration du nouveau-né dans une communauté paroissiale où il sera par la suite tenu d’assister au culte.

L’état civil comme on l’entend alors forme ainsi une sorte de récit collectif et il n’est par conséquent pas surprenant d’y lire autre chose que ce que nos yeux contemporains s’attendent à y trouver : les ministres ne se contentent pas d’y inscrire les noms des fidèles dont la vie constitue la trame de ce récit, ils y rapportent bien d’autres choses tels que des évènements marquant pour la paroisse ou des instructions pour leurs successeurs.

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Transcription du document CH AEG E.C. Morts 1, f.1

 

Premier registre des morts pour la ville de Genève, 1549

 Notre ayde soit au nom de dieu qui a faict le ciel et la terre. Icy sont les noms des trespassez qui sont decedé de ce monde puir le 23e jour du moys de décembre 1549, comme a esté ordonné par noz tresredoubtez Seigneurs et Superieurs de ceste cité de Geneve, et à moy Claude Fabvre, ministre de l’Hospital pestilencial donné charge expresse de visitez lesd[its] corps et les reduyre icy par escrit. Favre.

Premier registre des morts (1549)AEG E.C. Morts 1, f.1

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Transcription du document CH AEG E.C. Satigny 1

 

Premier registre de paroisse de Satigny, 1542-1634

Ce est le livre au quel sont redigez par escript les Baptesmes et mariages qu’ont estés administré et faictz depuys l’an 1542.

Ceste annee fust ordonné pour ministre et pasteur de ceste Eglise de Satignyz Jacques Bernard citoyen de Geneve et le 30. Jour du moy d’aout et presenté par maistre Jehan Calvin de Noyon, lecteur et prescheur en l’eglise de Geneve, à tout le peuple aussi ledict lieu, ainsi que toute la terre de Pigney est subject à Messieurs de Geneve depuys l’an 1535 quand les presbstres prirent fin, toute ydolatrie fust abattue et l’evangile fust presché librement et publiquement ainsi que Jesus Christ l’avoir commandé à ses apostre.

En ce lieu de Satigny dict le priorat s’assembler les villages de Satignyz, Burdignin, Choulyz, Pigney et Peysyz, pour ouyr les sermons, recepvoir les sacremens, et la saincte ordonnance du mariage.

L’ordre des sermons. Le Dymenche ont presche deux foys, le matin pour tout le peuple, et apres disner le catechisme des enfans se faict. Le mercedy aussi, et signamment durant le temps de la supplication.

Le baptesmes communement est administré le Dymenche apres disner au catechisme. La S. Cene, quatre foys l’annee, sçavoir à Pasques, à Pentecoste, la première Dymenche du moy de septembre et à la nativité de nostre Sauveur.

Le mariage, quand il plast à ceux qui se veullent espouser, soit le Dmenche, ou en sur septmaine, en preschant neantmoins. En ung chacun village est commist une Garde pour veiller sur les contempteurs de l’evangile, et transgresseurs des commandemens de Dieu et des ordonnances de la Seigneurie, pour le rapporter au ministre et de là au Consistoire si sont incorrigibles.

Registre de baptêmes et mariages de Satigny (1542)AEG E.C. Satigny 1

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9 – Deuxième période (1555-1575) : l’Eglise calviniste triomphante


De retour à Genève en 1541, Calvin travaille à la rédaction des Ordonnances ecclésiastiques et collabore aux Edits civils, deux textes fondateurs fixant l’organisation de l’Eglise et la forme du gouvernement. Les Ordonnances ecclésiastiques de 1541 instaurent le Consistoire, organe disciplinaire formé des pasteurs de la ville et d’anciens attachés aux 25 quartiers de la ville, nommés par le Petit Conseil. Sa mise en place, son fonctionnement et notamment le droit d’excommunication suscitent des tensions et vont opposer Calvin et ses partisans aux représentants de grandes familles, les Perrin, les Berthelier et les Favre, engagées dans les luttes d’indépendance de la Genève des années 1530, liées de près par leur réseau à l’exercice du pouvoir et d’orientation pro-bernoise. Le parti des « Enfants de Genève », que l’on appelle aussi les « Perrinistes », du nom de l’un de ses partisans, Ami Perrin, voit d’un mauvais œil l’ascendance des pasteurs.

Lors des élections de février 1555, les quatre syndics élus sont acquis au réformateur. L’accès en moins d’un mois d’une soixantaine d’habitants français à la bourgeoisie de Genève excite les tensions et une émeute, déclenchée par les partisans de Perrin, a lieu le 16 mai 1555.  Les Perrinistes sont forcés à quitter la ville. Des procès sont rapidement instruits, aboutissant à la condamnation à mort par contumace de quatre de ces plus influents représentants, dont Ami Perrin.

Cette émeute de mai 1555 mène au renouvellement de la classe politique formée désormais notamment par des hommes issus de l’immigration religieuse, acquis à Calvin et aux réformes qu’ils engagent. Cet évènement ouvre une période de consolidation de la Réforme dessinée par Calvin.

La Réforme entre alors dans un temps de stabilité, bien qu’elle soit marquée par le décès de Calvin en 1564. Cette période voit l’entrée en fonction de Théodore de Bèze (1519-1605). Recteur de l’Académie de 1559 à 1563, il conduit l’Eglise lors des maladies de Calvin et après son décès. Il poursuit la défense du Consistoire, menacé au milieu des années 1570 par une prise graduelle de pouvoir du Petit Conseil sur l’Eglise et par le renforcement de l’appareil judiciaire de l’Etat.

À la fin de l’été 1572, Théodore de Bèze doit faire face aux massacres de la Saint-Barthélemy perpétrés de Paris jusque dans les villes de provinces, un évènement qui conduira à l’écriture et à l’impression à Genève de son traité Du droit des Magistrats sur leurs sujets (1574), texte qui légitime la résistance face à un gouvernement devenu tyrannique. À l’automne 1572, les réfugiés affluent portant avec eux les premiers récits des évènements. À cette date, la ville sort à peine d’une longue épidémie de peste qui a duré trois ans. Dépourvue de moyens, elle en appelle à la solidarité des Cantons suisses. La peste de 1568-1571 aura été l’une des plus graves de l’histoire genevoise, fauchant, surtout dans les mois d’été (483 mort pour l’année 1568 et 113 pour le seul mois d’août 1568) et menant à la fermeture pendant quelques mois de l’Académie. La disette frappe en 1573-1574 avec des mauvaises récoltes, flambée des prix, cherté du pain et augmentation du nombre de pauvres.

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10 – La réforme dans l’espace public


On a souvent présenté la Réforme comme une entreprise de désacralisation de l’espace, parce qu’elle ne considérait plus les églises comme des lieux de grande proximité avec le divin. Elle a en réalité plutôt refusé l’ancienne distinction forte entre espaces profanes et sacrés, au profit d’une conception de la ville comme étant à la fois placé sous l’œil de la providence divine et entièrement consacrée au divin.

Cette conception se traduit visiblement dans la cité peu de temps après sa conversion à la Réforme et perdure tout au long de l’époque moderne. Dès 1542, on décide de placer aux portes de la ville des « Jésus », c’est-à-dire le sigle JHS, au-dessus des armoiries, plaçant ainsi la cité sous la protection du divin. En 1555, lorsque le parti calviniste remporte une victoire finale sur l’opposition intérieure portée par les « Enfants de Genève », on fait graver une plaque qui proclame hautement que cet événement constitue l’effet de cette même protection.

Cette idée s’exprime de la même manière dans les prières que les secrétaires du gouvernement placent en tête de leurs registres ou dans celles qu’élèvent les ouvriers chargés de l’édification des fortifications. Mais cette protection s’inscrit aussi dans une relation d’échange : elle suppose effectivement que la vie des Genevois s’ordonne tout entière en conformité à la volonté divine : c’est ce que rappellent les dix commandements qui ne sont pas seulement affichés dans les temples de la ville ou de la campagne, mais aussi dans les Halles où se déroulent les activités commerciales ou dans la pièce où l’on rend la justice.

Ainsi se dessine, des lieux de culte aux lieux publics, une continuité de la présence divine par la présence de ses commandements, qui est typique de la Réforme.

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Transcription du document Mur collatéral nord de la Cathédrale Saint-Pierre

 

L’inscription commémorative des événements de 1535 (1558)

Cathédrale, mur collatéral nord

En 1535, après la destruction de la tyrannie de l’Antéchrist romain et l’abolition des superstitions, la sainte religion de Christ a été ramenée ici à sa pureté véritable, l’Eglise rétablie en un meilleur ordre par un singulier bienfait de Dieu, et, une fois ses ennemis repoussés et mis en fuite, notre ville a reconquis la liberté suprême par un miracle étonnant. C’est pourquoi le Sénat et le peuple genevois ont fait ériger ce monument en cet endroit, pour en perpétuer le souvenir et pour témoigner de leur reconnaissance envers Dieu.1

Inscription commémorative des événements de 1535. Plaque posée en 1558 sur la façade de la Maison de VilleMur collatéral nord de la Cathédrale Saint-Pierre


1Traduction libre par Frédéric Gardy :

Frédéric Gardy, « L’inscription commémorative des événements de 1535 », in Bulletin de la Société d’histoire et d’archéologie de Genève, 6 (1935), pp. 49-58.

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Transcription du document CH AEG R.C. 55, f. 1

 

Prière de Michel Roset figurant en début du volume des procès-verbaux du Petit Conseil, 1559

Or en ce commencement, je prie le Seigneur pere et autheur de ceste Republique, Que comme il nous a aimez nous delivrant des tenebres, de Tirannie, des trobles et corruptions si dangereuses esquelles nous estions plongez, pour nous amener en cest estat si heureux auquel nous sommes aujourd’huy, Qu’il luy plaise nous proteger, garder et maintenir, contre totes les entreprises du Diable, des Tirans, Conspirateurs, meschans et envieux. Et puys que nous dépendons du tout en luy, Qu’il soit aussi tout nostre secours et refuge. Et que par son saint Esprit il gouverne tellement les magistratz et officiers de ceste sienne république, que vraiement Tous luy servions, l’ayans toujours devant les yeux, aymans les bons et punissans les mauvais et faisans chacun en son endroit et tous ensemble, comme vrays serviteurs et commys de sa majesté, Exauce noz prierez Seigneur par ta grande bonté et miséricorde, car nous sumes fondez en tes promesses infallibles. Amen. M. Roset.

Prière placée en tête de registre par le secrétaire du gouvernement (1559)CH AEG R.C. 55, f. 1

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11 – Discipline et contrôle social


L’impact le plus significatif de la Réforme sur la vie quotidienne résulte de la mise en place d’une institution originale de surveillance et de correction de la foi et des mœurs des fidèles : le Consistoire. Ce tribunal ecclésiastique a pour particularité d’être composé non seulement de pasteurs, mais aussi de douze représentants des différentes assemblées souveraines de la cité, que l’on désigne par le nom d’« anciens ». Le Consistoire contribue ainsi à réaliser l’idée luthérienne du « sacerdoce universel », en confiant à des « laïcs » des charges de nature ecclésiastique. Ce tribunal, établi par les Ordonnances ecclésiastiques de 1541, a exercé sur les habitants de la cité une surveillance extrêmement étroite au XVIe siècle.

L’espace urbain était quadrillé : anciens et pasteurs se répartissaient par quartiers et collaboraient avec les dizeniers, des responsables civils des quartiers (dizaines) de la ville. Certaines années, le secrétaire du Consistoire tenait simultanément plusieurs registres dans lesquels étaient conservés les procès-verbaux des interrogatoires auxquels le Consistoire se livrait et qui renfermaient des listes des personnes convoquées ou sanctionnées : les procédures engagées pouvaient être ainsi suivies avec beaucoup de rigueur si nécessaire. On a ainsi estimé qu’entre 1559 et 1569, un peu plus de 6% des adultes avaient été convoqués devant ce tribunal. Tous recevaient au moins une fois par an, souvent avant la communion de Pâques, la visite d’une délégation du Consistoire.

Les premières années, le Consistoire s’est préoccupé surtout d’instaurer l’unité de la foi au sein de la cité, pourchassant en particulier les croyances et rites catholiques. Il s’est ensuite davantage concentré sur les mœurs des fidèles, corrigeant les coupables de relations sexuelles hors mariage, d’ivrognerie, de jeu, de danse ou encore les enfants désobéissants. Habilité à adresser des remontrances aux contrevenants, à imposer des humiliations publiques accomplies durant le culte aux pécheurs scandaleux et à interdire de communion, voire à exclure de l’Eglise (excommunication) les impénitents, le Consistoire a été perçu comme un organe de répression. C’est oublier qu’il envisageait son action comme une « médecine » destinée à accompagner le retour du pécheur à une attitude pénitente et qu’une part importante de ses efforts visait à réconcilier les ennemis, les voisins ou les familles en conflit. Son action a beaucoup contribué à former le stéréotype d’une Genève « puritaine ».

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12 – Canaliser les excès : les ordonnances somptuaires


Au Moyen-Âge, des lois somptuaires  restreignent, avec plus ou moins de succès, les dépenses vestimentaires extravagantes et les excès de table dans différents Etats et cours souveraines d’Europe.

A Genève, les premières ordonnances traitant de ces objets s’inscrivent donc dans un processus déjà existant, mais se démarquent par leur dimension spirituelle et morale propre à la Réforme. Calvin lui-même reconnaît la difficulté de légiférer sur le sujet et ce n’est qu’en septembre 1558 que le Consistoire s’adresse aux magistrats pour que des lois et sanctions soient prises à l’encontre des réfractaires aux remontrances pastorales. Des ordonnances de police – qui ne porteront le nom d’ordonnances somptuaires qu’en 1668 – répondent aux multiples plaintes des ministres confrontés à une résistance de la population qui refuse de se soumettre aux contraintes morales que leur impose le Consistoire.

Ces « criées » de 1558 n’évoquent que très succinctement les restrictions vestimentaire et alimentaire. Quelques articles réglementent la qualité des étoffes et limitent le luxe ostentatoire et superflu. Toutefois les amendes ne s’élèvent qu’à quelques sols. Dans la cité idéale réformée, il règnerait ordre et modestie alors que le croyant devrait fuir les plaisirs et les distractions le détournant de la parole évangélique. Craignant l’« ire divine», les ministres et les magistrats tentent de protéger la cité des excès venus de l’étranger et ordonnent que « tous et chacun de nos citoyens, bourgeois, habitans et sujets, et quelque estat, aage ou condition qu’ils soyent, qu’ils ayent desormais à s’habiller et vestir en toute modestie convenable a chrestiens et gens honnestes ».

Bien que les ordonnances s’appliquent à tous, il existe une distinction concernant les « artisans mecaniques, vivans de l’œuvre de leurs mains », leurs femmes, leurs enfants ainsi que les servantes, auxquels sont interdits les tissus et coiffes trop onéreux.

A partir de 1560, les plaintes des ministres et les nombreuses infractions provoquent de nouvelles interventions du Conseil et les ordonnances se succèdent. En 1581, outre les multiples restrictions vestimentaires, de nouveaux interdits s’étendent aux usages de sociabilité : réduction du nombre des plats et desserts lors des banquets et festins, nombre de convives limité, suppression des cadeaux ou des ornements d’une valeur excessive. La réforme des anciennes coutumes autour des célébrations des noces, baptêmes, « relevailles » et funérailles marque la volonté de supprimer les rituels paraliturgiques en usage dans la population.

Les restrictions en matière d’ornements, d’accessoires et de bijoux se durcissent et surtout se précisent toujours plus, comme en témoigne en 1617 l’interdiction des « souliers à ponts levis » et les « pointes aux jarretières ». Au milieu du XVIIe siècle est instituée la Chambre de la Réformation, en charge du respect des ordonnances somptuaires.

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Transcription du document CH AEG R.C. 101, f. 222-222v.

 

Obsèques de Théodore de Bèze (14 octobre 1605)

Séance du Conseil, Lundi 14 octobre 1605 du matin

« Spectable Théodore de Bèze

Estant alé à Dieu hyer 13 de ce mois fort doucement et comme on a rapporté sans convulsions et sur l’instance que sa veuve a faicte de permectre que son corps soit porté en terre par quelques escholiers et à servietes ainsi que cela a esté praticqué cy devant envers plusieurs de qualité. Ce que les spectables ministres de ceste Eglise ne trouvent bon. A esté arresté quon permet ausdits escholiers de le porter ainsi et que soit inhumé au cloistre de Saint Piere comme devront estre cy apres les Srs de ceans et les ministres. »

Annonce du décès de Théodore de Bèze , 14 octobre 1605CHAEG RC 101, f. 222

« Spectable Théodore de Bèze

Sp. Pimand, Pibiot et Prevost, pasteurs en ceste Eglise sont comparus ceant de la part de leurs freres pour representer linconvenient que peut arriver en la nouveauté que entendent que veult faire en la sepulture du corps de feu Mr de Beze le faisant porter par servietes et en terre au cloistre, priant de ne donner occasions aux ennemis de leglise de parler et dire quon le veult cannonizer, A esté arresté que pour le lieu on se tient au precedent arret mais pour la forme du port que soit porte en terre sans servietes mais avec des bastons par des escholiers ».

 Description de son ensevelissement de Théodore de Bèze , 14 octobre 1605CH AEG R.C. 101, f. 222v.

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13 – Christianiser la vie quotidienne : tavernes, danse, théâtre


L’un des objectifs de la Réforme fut de christianiser la vie quotidienne car la piété ne doit pas être réservée aux temples. L’édit adopté par les magistrats en mai 1546 est caractéristique de ce projet. Après l’échec d’un précédent édit qui interdisait la fréquentation des tavernes, il vise à transformer ces lieux essentiels pour la sociabilité des Genevois, où se signent les contrats, se nouent les conflits et se scellent les réconciliations, où l’on se livre aussi aux excès du vin et de la chair, en des lieux où la prière et l’instruction par la lecture de la Bible accompagnent des plaisirs modérés.

Cet édit prévoit aussi que l’on ne puisse se rendre que dans la taverne de son propre quartier, de même que l’on ne participe au culte que dans sa propre paroisse. On poursuit les aubergistes qui tolèrent les ivrognes ou refusent de faire l’acquisition d’une Bible pour la mettre à disposition de leurs clients. On s’efforce également de bannir complètement la danse aussi bien des places publiques que des espaces privés, parce qu’on y voit une incitation aux désirs sexuels. On réprime encore activement les différentes formes de jeux, parce qu’ils entraînent le blasphème, les conflits entre joueurs et la ruine des familles. Les théologiens publient des traités condamnant ces loisirs et prêchent contre ces habitudes du haut des chaires.

On peut avoir l’impression que Genève est devenue sous la Réforme une ville dont les réjouissances sont bannies, où, comme s’en moquent ses adversaires catholiques, « tou du lon / Du jour on demourise à fáre sa besogni / Sen jeu ne passa-ten » (« toute la journée, on reste attaché à sa besogne, sans jeu ou passe-temps »). [Laurent de Briançon, Le Batifel de la Gisen, Grenoble, 1996, p. 48-49].

Les Genevois n’ont cependant jamais renoncé complètement aux plaisirs que goûtent leurs contemporains. Les dénonciations répétées des ministres contre la danse et les jeux confirment leur perpétuation. Quant au XVIIe siècle apparaissent des maîtres à danser, discrètement invités à dispenser leur leçon dans les maisons bourgeoises, il devient clair que les usages de la civilité de salons ou de cours sont en train de prendre le dessus sur les rigueurs morales défendues par le Consistoire.

Il en va de manière analogue pour le théâtre que Genève et les protestants réformés plus généralement, ont la réputation d’avoir interdit. Malgré la réticence de certains de ses collègues, Calvin n’y était pourtant pas opposé. Des pièces ont continué à être montées à plusieurs reprises au XVIe siècle pour l’instruction des collégiens ou servir à la polémique anti-catholique. C’est même un pasteur, Simon Goulart, qui rédige en 1584 une « Pastorale » pour célébrer l’alliance de Genève avec Berne et Zurich. Ce n’est qu’au cours du XVIIe siècle que s’installe l’idée que la Réforme était foncièrement opposée au théâtre : au siècle des Lumières, les héritiers des réformateurs du XVIe siècle, défendront ainsi vaillamment cette opposition, alors même que les troupes s’installent à Carouge, aux abords de la cité.

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Transcription du document CH AEG R.C. 41, f. 82v. et 83

 

Abbayes remplaçant les tavernes
Jeudi 29 avril 1546

Inhibitions et deffences contre cieulx de la ville et habitant en Icelle de non aller aux tavernes

A esté ordonné que pour le prouffit du publicq soyent faictes cries publiquement à voex de trompe que nul de la ville et habitans en icelle n’ayent à aller aux tavernes, ny les taverniers les recepvoyer, sus poienne de dix solz et troys jours en prison.

Criée réglementant la fréquentation des tavernes pour les habitants et les étrangers (29 avril 1546)AEG R.C. 41, f. 82v.

Hostes et hostesses

Et semblablement soyent faictes deffences esdits  hostes et hostesses de ne loger les estrangiers plus hault de troys jours sans le venyr revellé à la Seigneurie, sus ladicte poienne.

De ne fere chose hors la ville

Ordonné ausy qui soyent faictes cries que nul ne fasse hors Geneve chose qui ne osasse fere dans la ville, sus ladicte poienne, avecque telle declaration que quant ung estrangier convoyra quelchun de la ville à aller aux tavernes, que il puysse aller sans reprehension.

Maysons appelles les abbayes

Pource que l’on a deffendu les tavernes à cieulx de la ville, à esté advisé de dresser des abbayes sus lesquelles l’on pourra aller boyre et mangé les ungs avecque les aultres, et soyent my en icelles gens de bien, les queulx ne debvront fere le pain pour vendre en leur mayson, ny fere amas de vin, mes il doybgent allé achepté par la ville.

Criée réglementant la fréquentation des tavernes pour les habitants et les étrangers (29 avril 1546)AEG R.C. 41, f. 83

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Transcription du document CH AEG P.H. 1374

 

Placard sur les tavernes
28 mai 1546

Ordonnances faictes par nouz redoubtés magnificques et puyssantz seigneurs de ceste cité de Geneve sur l’ordre et police necessaire des maisons communes (appellees abbayes), esquelles les habitantz de cestedicte cité peuvent ensemble convenir pour boyre et manger quant bon leur semblera et il en sera besoing, à icelle fin de conserver l’honneur de Dieu et pour eviter les choses maulvaises que se peuvent faire es grandes assemblees où il n’y a point d’ordre, et aussy pour le bon et sainct entretiennennement de l’estat et police d’icelle cité. Lesquelles ordonnances ilz entendent estre d’ung chascun entierement et inviolablement observees.

Premierement messieurs les scindiques ensemble monsr le lieutenant de cestedicte cité, aussy messieurs du conseil deputés, auront superintendence et consideration sur une chascune abbaye, ainsy qu’il semblera bon à leur advis et discretion, pour ordonner, commander et moderer le tout ainsy qu’il sera de besoing.

Item il sera deffendu à tous de non jurer ou blasphemer le nom de Dieu ; et celluy qui aura juré et c’est pour la premiere foys, qu’il baise terre et oultre qu’il paye ung sol come dessus (nonobstant les cries de messieurs) ; et pour la tierce, soyt procedé contre luy tout ainsy que les edictz desdictz seigneurs pourtent.

Item celluy qui blasphemera le nom de Dieu, come disant ‘par le corps, par le sang, par les playes’, ou semblable chose, ou qui se donnera au diable ou usera de telles imprecations execrables, sera puny à la forme des edictz desdictz seigneurs.

Item s’il y a aulcuns qui se oultraigent l’ung l’aultre, ledict hoste sera tenu, ou celluy qui sera de la compagnie de l’abbaye, luy imposer silence sur peynne de desobeyssance faicte à messieurs, tout ainsy que s’il estoit de la justice ; et cas advenant qu’il soyt perseverant à oultraiger etc., ledict hoste le debvra reveller à messieurs, pour estre puny selon leur bonne volunté, et neantmeins en oultre payera troys solz pour la fabricque de ladicte abbaye.

Item que s’il y en avoient qui voulussent faire ordinaire mestier de frequenter lesdictes abbayes, y consumantz leurs biens et substance, que l’hoste ne les doibge recepvoir, attendu que telles abbayes sont elevees pour la necessité et non pour en abuser.

Item que nul n’aye à dire parolles oultrageuses et diffamatoyres en derriere de celluy de qui les parolles s’addresseront, ou user de propoz tendantz à mutination, sur peynne d’estre bampny pour deux moys de ladicte abbaye. Et si en tel cas estoit perseverant, soyt reputé comme lache et home de rien, indigne de bonne compagnie, et soyt revellé plus oultre pour y donner ordre.

Item que s’il se trouve different aulcun entre quelcuns es maisons desdictes abbayes, pourront ensemble convenir et estre appoinctés et mys d’accord par les seigneurs scindicques et aultres seigneurs qui sont deputés pour la superintendence desdictes abbayes selon leurs quartiers ; et là où tel different se pourroit appointer, qu’il soyt revellé plus oultre pour y donner ordre.

Item suyvant cela, l’hoste sera tenu de reveller promptement à messieurs les insolences et dissolutions que s’y commettront, tant par parolles come par faictz, que pourront tendre contre l’honneur de Dieu et de son eglise, et aussy de ladicte Seigneurie.

Item ledict hoste ne permettra boyre ou manger en sa maison personne, de quelque qualité que soyt, que premierement la priere ne soyt faicte pour la benediction, et aussy à la fin la priere avec action de graces, comest le debvoir de chrestiens et fidelles.

Item suyvant cela, sera tenu ledict hoste avoir en sa maison et en lieu publicq une bible en françoys dedans laquelle puysse lire chascun qui vouldra, et n’empescher que librement et honnestement on ne parle de la parolle de Dieu en ediffication, ains qu’il y donne tout le faveur possible.

Item ne permettra ledict hoste aulcunes dissolutions, come dances ou compagnies suspectes de pagliardise ou ruffianaige, ny jouer à jeux de dez ny de cartes, jouxte la forme des cries.

Item, s’il advient qu’on joue, que ce soyt à jeu honneste et permys, sans jurer, ny blasphemer, ny perdre ou consommer le temps excessivement; et ne se jouera plus oultre que pour le repas d’ung home.

Item ne permettra ledict hoste chanter chansons deshonnestes, ny parler aussy parolles deshonnestes; et s’il advient qu’on veueille chanter pseaulmes ou chansons spirituelles, que ce soyt honnestement et non en façon dissolue ou que peut tendre à scandalle.

Item ne retirera ledict hoste personne de nuyct passees neufz heures, sinon que fussent ceulx qui sont commys pour le guet.

Item sera tenu ledict hoste reveller aux parentz de ceulx qu’il cognoistra mal se gouvernantz qui sont encoures soubz charge et administration de pere, dependantz leurs biens et leur substance aultrement qu’il n’appertient ; et s’ilz y sont perseverantz, les declairer plus oultre pour y donner de l’ordre.

Item que quant à l’administration des vivres, ledict hoste sera tenu fournir de tout mesnaige requys, come à tel cas appertient.

Item sera tenu mander querre le vin là où plaira à ceulx qui seront en sa maison, et ne le vendre pas plus qu’il ne coustera sur le lieu où il sera prins.

Item sera tenu fournir pain de bon poydz, à la forme des cries.

Item fournira la chair au prys qu’il l’aura accheptee, se contentant honnestement de ce que luy sera baillé pour sa peynne et vacation.

Item fournira de fromaige au poidz à ceulx qui en vouldront.

Item toutes aultres menues choses, come fruictz, orenges, sallades et semblables, luy seront payees ce qu’elles cousteront honnestement.

Item qui vouldra compter à pieces, qu’il y soyt receu, et ne pourra ledict hoste compter aultrement.

Item quant il luy sera commandé d’apprester disner, ou soupper, ou le semblable, qu’il soyt tenu le faire, et puys compter honnestement.

Item toutes les restes et reliefz demeureront à l’hoste, sans prejudice des articles precedantz.

Item s’il cognoit qu’il y en aye des maulvais mesnagiers, vaccabondz, dissipateurs de leur substance, faisantz folz marchés et folles pacches, qu’il aye à les reveller à mesdictz seigneurs pour y donner ordre.

Item ledict hoste ne lougera personne de couché, ne habitant ny estrangier, sinon que l’estrangier luy fut menné par quelcun de l’abbaye et par necessité.

Item ceulx qui seront soubz une abbaye ne pourront aller boyre ny manger à une aultre, sinon que ce fut en la compagnie d’aulcuns de ladicte abbaye.

Item ledict hoste ne tiendra en sa maison serviteurs mal vivantz ou desquelz y pourroit estre quelque suspeçon ou de pagliardise ou de ruffianaige, ou de semblables choses.

Placard sur les tavernes du 28 mai 1546CH AEG P. H. 1374

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14 – Eduquer le chrétien : le Collège et l’Académie


Pour les premiers réformateurs Calvin et Farel, les enfants sont d’importants acteurs de la transmission des nouvelles idées et dès 1541, les Ordonnances ecclésiastiques, rappellent « qu’il faudra dresser Collège pour les instruire, afin de les préparer tant au ministère qu’au gouvernement civil ».

Avant la Réforme, hormis les enseignements à l’attention des clercs, il n’existe à Genève qu’une « grande école » créée en 1428. Les régents y enseignent la lecture, l’écriture et les arts libéraux. En 1535, cet établissement est transféré au couvent des cordeliers de Rive et devient le collège de Rive. Antoine Saulnier en prend la direction et publie l’Ordre de l’Ecole en 1538. Par la suite, Mathurin Cordier (1480-1564) puis Sébastien Castellion (1515-1563) se succèdent en tant que régents. Jusqu’en 1559, les querelles et les désaccords entre ministres et membres du Petit Conseil freinent le développement du collège confronté à un manque chronique de moyens matériels et humains.

En1556, une fois ses derniers opposants écartés, Calvin obtient la construction d’un nouveau bâtiment, le collège Saint-Antoine (aujourd’hui collège Calvin).

Le nouvel établissement est placé sous le contrôle de la Compagnie des Pasteurs. Le cursus du collège – ou Schola privata – est réparti sur sept niveaux. Les enfants commencent par apprendre à lire et écrire en latin puis abordent le grec, l’histoire, la dialectique et la rhétorique. En dehors des enseignements de la journée ainsi que le samedi et le dimanche, se succèdent récitation de la prière, de l’Oraison dominicale, des Dix commandements, de la Confession de foi, le chant de Psaumes. Les mercredis et dimanches, les élèves assistent aux sermons et au catéchisme dans les différents temples de la ville.

Les écoliers et étudiants venus de Suisse, de France ou d’Italie sont hébergés chez les pasteurs, les professeurs ou les régents. Leur nombre croissant provoque des difficultés de logements dans une cité déjà très peuplée. Les registres du Consistoire et des affaires criminelles – pour les cas les plus graves – rapportent de nombreux écarts de discipline.

En parallèle à la fondation du collège, Calvin crée une Académie – ou Schola publica – dont Théodore de Bèze devient le premier recteur. L’enseignement de la théologie, réservé aux élèves plus âgés, est destiné en premier lieu à la formation des futurs ministres voués à transmettre la parole évangélique hors de Genève. Il sera complété par une formation en droit quelques années plus tard.

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Transcription du document CH AEG Consistoire R. 46, f. 119 v.

 

Réprimandes, dans les Registres du Consistoire, 23 octobre 1617

Rapporté quece il y a eu querelles entre deux escholiers, l’un d’Utrech, l’autre un de Metz, théologiens, dans le jeu de paulme pour ded démentis et donnez des coups de raquettes, puis par duel au delà du pont d’Arve, dont s’en sont suyvis ded iniures et oultrages. L’avis a este d’appeler ledit escolier nommé Levirs, logé chez Madame Cochet, jeudi prochain.

Ecoliers réprimandés pour bagarre (23 octobre 1617)

CH AEG Consistoire R. 46, f. 119v.

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15 – La vie intime devant les juges


Au XVIe siècle, les peurs engendrées en Europe par les épidémies de peste, les incertitudes politiques et les guerres de religion provoquent un durcissement des peines. Les poursuites pour hérésies et dénonciations des sorcières et « boutes-pestes » se multiplient.

Genève n’échappe pas à ce climat anxiogène et doit en outre adapter ses pratiques judiciaires à une nouvelle situation politique et religieuse. Jusqu’à la Réforme, les justices civile et ecclésiastique dépendent de l’autorité de l’évêque, alors que la justice criminelle est sous l’autorité des syndics de Genève. Les procès se déroulent publiquement sauf pour les crimes méritant peine corporelle ou capitale jugés selon une procédure inquisitoire secrète, écrite et autorisant la torture.

De 1526 à 1535, la disparition du tribunal ecclésiastique suite au départ de l’évêque et de la maison de Savoie provoque une réorganisation des institutions judiciaires.

Certains édits ou ordonnances motivés par la volonté de réformer les comportements ont des conséquences sur la vie quotidienne de la population. Il arrive, comme en 1566 lors de l’adoption de l’édit contre les paillardises et adultère, que les citoyens manifestent en Conseil général leur opposition et leur colère.

Bien que l’Eglise réformée revendique une non-ingérence dans les affaires politiques et judiciaires de la ville, le Consistoire n’hésite pas à renvoyer devant la justice le blasphémateur récidivant ou toute personne qui résiste aux remontrances consistoriales. Lorsque les ministres estiment les syndics trop cléments à l’encontre des coupables de dérives morales, ils s’en plaignent au Petit Conseil. De 1550 à 1570, l’activité conjointe du Consistoire et de la justice attisent ainsi à plusieurs reprises le mécontentement de la population contre les magistrats trop influencés par les ministres.

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Transcription du document CH AEG P.C. 1ère série 1418

 

Sentence prononcée contre Bernard Pergot, décapité pour bigamie, 1567

Nous syndiques juges des causes criminelles de ceste cité, Aiant veu le proces criminel fait et forme par devant nous à linstance et poursuite de nostre lieutenant esdites causes instant contre toy Bernard fils de feu François Porgo de Cheiseriez en Bourgogne parlequel et tes volontaires confessions souvent faites en nos mains nous conste et appert que contre lordonnance de Dieu et ta propre conscience, tu as viole le sainct estat de mariage ayant espouse une seconde femme la tienne premiere vivant encore sans avoir heu occasion de te séparer dicelle et quen ce tu tes monstre perjure et deloyal non seulement à Dieu mais aussi à son Eglise et auxdites femme et icelles parce moyen exposees avec leurs enfans en ignominie. Cas et crime méritant griesve punition corporelle. A ces causes et autres instes nous à ce mouvante seans au tribunal au lieu de nos ancestres selon nos ancienne coustumes, après bonne participation de Conseil avec nos citoiens, aiant Dieu et ses sainctes Escriptures devant nos yeux et invoque son sainct nom pour faire droict jugement disans au nom du pere du fils et du sainct esprit amen par ceste nostre diffinitive sentence laquelle donnons icy par escript. Toy Bernard Porgo condamnons à estre lié de cordes mené en la place du Molard et la avoir la teste coupee de dessus tes espaules fasson acoustumé tellement que lame soyt separee de ton et ainsi finiras tes jours sous forme dexemple aux aultres qui tels cas voudroient comettre

Et avons notre lieutenant commander de mettre notre sentence a entiere execution

Prononcee le XXIIIIe jour de juillet 1567 / et ledit jour executee

Sentence prononcée contre Bernard Pergot, décapité pour bigamie (1567)AEG P.C. 1ère série, 1418

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16 – Exercer la charité : l’hôpital général et l’assistance publique


La création de l’Hôpital général est adoptée par le Conseil général le 14 novembre 1535. Cette décision a pour effet de réorganiser en profondeur les modalités de l’assistance. Jusque-là prise en charge par les sept hôpitaux de la ville administrés par des ecclésiastiques ainsi que par une fondation de bienfaisance, la Boîte de toutes Ames, gérée par des notables, l’assistance est désormais centralisée et sécularisée. Ce processus, que l’adhésion de Genève à la Réforme a contribué à accélérer et à réorienter, s’inscrit dans un mouvement plus général de restructuration et de rénovation des institutions caritatives et curatives destinées à soulager les plus démunis. Ce mouvement est animé par un souci croissant d’ordre (lutte contre la mendicité) et d’efficacité de la part des municipalités urbaines.

La création de l’Hôpital général intervient un an après la fondation de l’Aumône générale de Lyon, alors que des établissements similaires existent déjà dans plusieurs villes. La Réforme va permettre de financer la nouvelle institution qui se voit octroyer les revenus de la majeure partie des biens ecclésiastiques qui ont été saisis et de disposer d’un bâtiment, le couvent Sainte-Claire du Bourg-de-Four (à l’emplacement de l’actuel Palais de justice), que les Clarisses ont quitté à peine quelques mois plus tôt.

Dans une optique protestante, la vente des objets liturgiques acquis par le clergé en détournant l’argent destiné aux pauvres et la réaffectation du revenu des dîmes à l’Hôpital permettent à l’action caritative de retrouver sa fonction première. Une autre catégorie d’assistés, les pauvres passants étrangers, sont hébergés à l’hôpital Saint-Esprit (20, rue Saint-Léger), puis dès 1547 à la maison de Coudrée (où se dresse l’actuelle église luthérienne). L’hôpital des pestiférés demeure hors les murs, à Plainpalais, où il a été érigé à la fin du XVe siècle.

L’Hôpital général est dirigé par quatre procureurs, assistés par un hospitalier. L’institution accueille comme pensionnaires des vieillards et malades indigents, ainsi que des enfants, qu’ils soient orphelins, bâtards, ou remis à l’institution par des parents qui ne peuvent assurer leur subsistance.

L’Hôpital assiste encore les Genevois les plus démunis sous la forme d’aumônes, qui consistent le plus souvent en distribution de pain, parfois de vin, plus rarement de vêtements. En 1538, 72 personnes sont logées à l’Hôpital, ils sont 95 en 1602 ; entre les mois d’octobre 1538 et 1539 près de 10.660 pauvres passants étrangers bénéficient du soutien ponctuel de l’Hôpital avant de quitter la ville.

Pour faire face à l’afflux de réfugiés, deux bourses, l’une française (vers 1545), l’autre italienne (vers 1552) sont successivement créées à partir de legs substantiels. Elles se répartissent la prise en charge des assistés en fonction de leur provenance.

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Transcription du document CH AEG Archives hospitalières Aa 1, f. 4

 

Premier registre des délibérations des procureurs de l’hôpital,
du 15 février 1542 au 21 décembre 1550

1542

Le livre de l’hospital general de la Cité de Genesve duquel sont recteurs les magnifiques et tres redoubtés seigneurs sindiques et conseil d’icelle du quel est à presentz hospitallier noble Jehan Fontanna citoyen que entra auditz hospital apres noble Anthoyne Checantz aussi citoyen dudit Genesve le XXVIII jour de janvier mil cinq cents et quarante deux. Et sont procureurs à presentz les nobles Jehan Coquet, Loys Dufour, Jehan Chautemps et Michiel Varod marchiands tam [tant] citoyens que bourgeoys dudit Genesve dans lequel livre sont escriptes les choses appartenantes auditz hospital tam pour les povres petis enfants orphelins trouvés, femmes vesves, gens anciens, povres fillies et toutes aultres manieres de gens tam estrangiers que privés de toutes nations venants respayre audit hospital generalz.

Premier registre des délibérations des procureurs de l'hôpitalCH AEG Archives hospitalières Aa 1, f. 4

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17 – Etrangers dans la cité: Genève, une ville de réfugiés pour cause de religion?


« Étrangers ». Ce mot, qui est employé fréquemment dans les sources institutionnelles pour dénoncer les responsables des problèmes d’ordre politique ou public, définit sous le mode de la critique une partie spécifique de la population genevoise qui a joué un rôle central dans la construction sociale et économique de la ville après la Réforme. Dès les années 1540, Genève accueille plusieurs milliers de migrants et notamment les réfugiés des persécutions religieuses qui frappent la France mais aussi d’autres régions d’Europe : les Flandres, la Péninsule italienne, les États ibériques et l’Angleterre.

La population passe de 13’100 à 21’400 individus entre 1550 et 1560 (avant les épidémies qui à la fin du siècle déciment à nouveau les citadins). Parfois simples passants démunis, tels anciens gens d’Eglise et savants pourchassés, parfois groupes familiaux organisés de riches marchands ou d’artisans souhaitant s’établir durablement, ces divers immigrants suscitent rapidement les blâmes d’une partie de la population qui craint la perte de ses privilèges politiques, la modification des usages traditionnels ou la compétition économique. Le combat des « enfants de Genève » contre Calvin attise ces tensions afin de solliciter le soutien des Genevois contre les ministres étrangers.

Les magistrats doivent faire face à de fréquents problèmes d’ordre public et le Consistoire doit s’employer à régler au quotidien des conflits identitaires. Une politique somme tout favorable à la concession de la naturalisation – ou droit de bourgeoisie – pour les étrangers et à l’exercice des activités économiques moyennant le payement d’une modeste taxe permet l’intégration sociale des réfugiés et favorise le développement des nouvelles activités manufacturières importées par les immigrants: la soierie, la draperie de laine et surtout l’imprimerie, qui devient l’activité économique marquant l’identité culturelle de Genève dans toute l’Europe.

Typographes et éditeurs genevois célèbres, comme Jean Girard, Jean Crespin, Conrad Badius, Robert et Henri Estienne, Laurent de Normandie, Antoine Vincent, mais aussi une foule d’artisans du livre moins connus ou anonymes, sont arrivés ici en parcourant les voies difficiles de l’exil religieux et de la précarité sociale. Tout au long de l’époque moderne, la République affirme cependant une politique ambivalente vis-à-vis de ses « avenants », les réfugiés pour la religion tout comme les migrants régionaux, en oscillant entre assimilation et exclusion suivant les périodes de besoin social et de crises économiques.

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18 – Troisième période (1575-1617) : la confessionnalisation


 

Troisième période (1575-1617) : la confessionnalisation au temps de Théodore de Bèze

La période comprise entre 1555 et la fin des années 1560 est considérée comme celle du triomphe de Calvin et de l’apogée de son Eglise, au cours de laquelle une Réforme spécifiquement calviniste parvient à maturité. La période suivante se signale par une normalisation progressive. Le dernier quart du siècle est marqué à Genève par des évolutions que l’on observe dans une grande partie de l’Europe. Cette période est décrite comme celle de la « confessionnalisation ». Elle se caractérise par un durcissement des identités confessionnelles et une collaboration plus étroite des autorités civiles et ecclésiastiques en vue de l’encadrement des sujets et des fidèles.

Ce renforcement des institutions répond aux difficultés auxquelles cette époque est confrontée : guerres de religion, épidémies de peste régulières et disette liée au refroidissement climatique. En conflit avec le duc de Savoie, Genève consolide en 1584 son alliance avec Berne et Zurich puis entre finalement en guerre ouverte avec le Duc de Savoie (1589-1593). La cité est frappée à quatre reprises par des flambées de peste (1568-1572, 1596-1599, 1615-1617, 1628-1631) qui font plus de 6000 victimes. A Genève comme ailleurs, la relance de la chasse aux sorcières constitue aussi un symptôme de cette crise.

Dans ce contexte, les magistrats concentrent le pouvoir en leur main au, portent des vêtements qui soulignent le prestige de leur fonction et exigent que l’on s’adresse à eux par des formules qui marquent leur distinction. Le gouvernement de la ville tend à devenir plus oligarchique.

Placée sous la direction de Théodore de Bèze, qui succède à Calvin en tant que modérateur et qui reste une figure tutélaire jusqu’à son décès en 1605, l’Eglise est également soumise davantage à l’autorité des magistrats. Les pasteurs et les professeurs de l’Académie systématisent alors la théologie réformée dans le cadre d’une orthodoxie étroitement définie et engagée dans des controverses sans fin avec les orthodoxies catholique et luthérienne. Leur discours moral se durcit également, tandis que rien ne bouge sur le plan des pratiques liturgiques.

« Je vous prie ne changer rien ne innover », avait lancé Calvin dans son discours d’adieux aux ministres. Ce mot semble valoir comme une sorte de règle générale pour l’Eglise qui se raidit à la fin du XVIe siècle dans une fidélité sourcilleuse à sa toute jeune tradition.

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Transcription du document CH AEG P.C. 1ère série 2032

 

Procès de Louise Gentil condamnée à être brûlée pour sorcellerie
2 mai 1610

Rapport des chirurgiens:

Suyvant le commandement de noz tres honorez seigneurs, ayant esté assemblez honeste Symon Tuffé et Daniel Noël, maîtres chirurgiens et envoyez en prison pour la visite de la Louyse Gentil, prisonnière pour crime de sorcellerie, pour recognoistre si ladite Gentil avoit en son corps quelques cicatrices ou marque diabolique comme auroit esté observé cy devant en autres […]. Ayant esté assermentez de s’en acquitter soigneusement et mesmement les parties secrettes et honteuses; lesquels auroient fait rapport avoir faic exacte recherche et n’avoir trouvé autre qu’une cicatrice entre ses cheveux de la teste où ils auroient fait entrer une grande espingle soit esquelle asses avant sans qu’elle s’en soit plainte, ayant les yeux bandez. Laquelle cicatrice ha toute apparence de telle marque.

Et au regard de son bras et espaules ils y ont recogneu grand alteration et extension ne permettant reiterer l’estrapade entiere telle qu’auparavant pour crainte de quelque prejudiciable et dangereuse ouverture.

Estant tel le rapport desdits prenommez chirurgiens faict au soubsigné ce 2e may 1610.

Procès pour sorcellerie (1610)CH AEG P.C. 1ère série, 2032


Transcription tirée de : Christian Broye, Sorcellerie et superstitions à Genève (XVIe-XVIIIe siècle), Genève, 1990.

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19 – Allègement de l’encadrement disciplinaire


On a parfois décrit le régime en vigueur à Genève sous la Réforme comme une théocratie, héritage de l’influence de Calvin. Théocratique et puritaine, Genève serait à la fois dominée par les ministres et soumise à un contrôle social très strict, la discipline ecclésiastique.

Si de son temps l’influence de Calvin ne fait pas de doute et s’il règne un certain équilibre entre le pouvoir exercé par les ministres et celui des magistrats après 1555, la puissance civile commence à affirmer sa prépondérance à partir des années 1570.

Dans le dernier quart du XVIe siècle, l’étau disciplinaire se desserre, les interdictions de participer à la Cène deviennent moins nombreuses et les magistrats affirment peu à peu leur ascendant sur les ministres. L’âge d’or du contrôle exercé par le Consistoire sur la foi et les mœurs des fidèles s’estompe. La cité réformée commence à perdre certains des traits qui ont fait jusque-là son caractère particulier.

La réintroduction de coutumes contre lesquelles le Consistoire avait lutté est symptomatique de cette évolution qui conduit à une forme de normalisation. En 1606, alors que Théodore de Bèze vient de disparaître, le tribunal ecclésiastique excommunie deux magistrats, coupables d’avoir célébré la fête des rois. Signe des temps, cette sanction est levée par le Conseil des Deux-Cents : le pouvoir civil s’impose ainsi comme autorité prédominante.

Peu à peu on observe aussi que d’autres fêtes, bannies du calendrier genevois qui ne connaît depuis 1550 aucun autre jour chômé que le dimanche, sont réintroduites. Alors que les Genevois reprennent l’habitude de suspendre le travail le jour de Noël ou le jour de l’An, même si ce n’est pas un dimanche, la Compagnie des pasteurs finit de son côté par autoriser des prédications et des chants qui marquent ces jours d’un caractère particulier. Ces évolutions trouveront finalement leur confirmation dans les formulaires liturgiques du XVIIIe siècle.

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20 – Commémorer la Réforme ? Le temps dilaté de la mémoire


Alors que le centenaire de la Réformation luthérienne est largement célébré en automne 1617 à travers toute l’Allemagne protestante ‑ jusqu’au Danemark et en Suède ‑ par diverses festivités à l’initiative de l’Université de Wittenberg et de l’électeur de Saxe, l’année séculaire n’est ponctuée à Genève d’aucune commémoration particulière.

La date anniversaire n’en est pas moins dans tous les esprits lors de la cérémonie des promotions du collège en mai 1617. Dans le discours qu’il prononce à cette occasion, le recteur de l’Académie Théodore Tronchin s’attache, « en cette année anniversaire d’une Église pleinement restaurée et délivrée de la servitude », à retracer l’historique des diverses célébrations jubilaires depuis les jeux séculaires de l’Antiquité, pour mieux dénoncer la formule adoptée par la Papauté et faire l’éloge de Martin Luther («ce véritable héros, sans égal») et d’Ulrich Zwingli («le très valeureux serviteur du Christ»), qui se sont élevés contre le « trafic infâme » des indulgences. De manière significative, Zwingli se trouve ici associé à Luther.

Le 1er janvier 1619, les députés genevois au synode de Dordrecht (1618-1619) Théodore Tronchin et Jean Diodati sont conviés par le théologien zurichois Johann Jakob Breitinger à commémorer le centenaire de la première prédication de Zwingli à Zurich.

Le centenaire de la Réforme genevoise ne donne pas lieu à de semblables cérémonies. C’est une nouvelle fois dans le cadre exclusif des promotions du Collège que le jubilé genevois est commémoré en 1635. Le recteur de l’Académie Frédéric Spanheim exalte alors la Geneva restituta dans un discours où « le fameux Martin Luther, ce second Élie pour l’Allemagne, animé d’un courage héroïque et même divin » n’est pas oublié. Ce texte est aussitôt imprimé, de même que Le Genevois jubilant de Jacob Laurent.

Il faut attendre 1735 pour que la commémoration officielle de la Réformation genevoise fasse l’objet d’une célébration particulière d’action de grâce sur le modèle des jubilés zurichois, bernois et neuchâtelois auxquels des représentants de Genève ont été invités. La date retenue est le 21 août, jour de la suspension de la messe par le Petit Conseil, à laquelle le début de la Réforme à Genève a toujours été jusque-là associé.

Ce n’est qu’au XXe siècle, à l’occasion du 400e anniversaire de la Réformation genevoise, que la date de l’adoption de la Réforme par les citoyens et bourgeois de Genève le 21 mai 1536 s’est imposée.

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21 – Stéréotypes


Tolérance ou intolérance?

La question de la tolérance constitue l’un des points les plus controversés de l’héritage de la Réforme genevoise. On y voit souvent l’une des impulsions du mouvement historique qui a fini par installer la tolérance au cœur des valeurs propres aux sociétés modernes. Calvin n’a-t-il pas proclamé après Luther les droits de la conscience du fidèle face aux obligations imposées par la tradition ? La mémoire collective a aussi retenu le souvenir des martyrs réformés brûlés dans les années 1550 ou massacrés durant la Saint Barthélémy en 1572, comme symbole des victimes de l’intolérance de l’Eglise et des gouvernements catholiques. On a également célébré la revendication des huguenots en faveur de la liberté de conscience et de la liberté de culte face à la monarchie française et la consécration de ces libertés par les paix de religion, comme donnant pour la première fois à la tolérance une expression juridique.

Mais le récit historique qui lie Réforme et diffusion de la tolérance bute sur la condamnation à mort pour hérésie en 1553 du médecin espagnol Michel Servet par les autorités genevoises, avec l’aide de documents fournis par Calvin. Le bûcher de Servet fonde la légende noire de l’intolérance de Calvin. Colportée notamment par Voltaire puis par Balzac, elle trouve une illustration exemplaire dans le livre de Stefan Zweig, Conscience contre violence, ou, Castellion contre Calvin. Rédigé en 1935-1936, l’ouvrage assimile Calvin à Hitler et permet à son auteur de s’identifier à Sébastien Castellion (1515-1563). Théologien contemporain du réformateur de Genève, Castellion s’est opposé à la condamnation à mort des hérétiques, et de Servet en particulier, et a formulé à cette occasion l’une des premières défenses systématiques de l’idée de tolérance. Mais le bûcher de Servet a aussi nourri les controverses internes au protestantisme réformé. Il a conduit l’un des grands penseurs du protestantisme libéral de la fin du XIXe siècle, Ferdinand Buisson (1841-1932), à travailler pendant plus de vingt ans à une thèse sur Castellion dans laquelle il fait de ce dernier la figure fondatrice du protestantisme libéral et de l’attachement réformé à l’idée de tolérance.

C’est cette controverse qui a obligé les acteurs de la construction du mur des réformateurs à ériger au préalable, à Champel, non loin du lieu où Servet a été brûlé, un monument expiatoire : la repentance qu’y expriment les héritiers de Calvin devait leur permettre de mettre un terme aux polémiques, de telle manière qu’aucune ombre ne soit plus projetée sur la devise « Post tenebras lux », qui s’étale en grandes lettres sur le mur des réformateurs.

Théocratie

La cité genevoise du temps du Calvin était-elle une « théocratie » ? Vivait-elle selon un régime où l’autorité est concentrée dans les mains des pasteurs?  La question, abondamment débattue, porte à la fois sur les rapports entre l’Etat et l’Eglise et sur l’étendue du pouvoir exercé par Calvin. Les magistrats subissaient-ils l’ascendant des ministres, au point que l’Etat était soumis à l’Eglise ? La cité était-elle entièrement dominée par la figure éminente du réformateur, à la fois théologien et juriste, co-rédacteur des ordonnances ecclésiastiques et des « édits civils » qui règlent l’organisation politique de la ville ? Calvin a-t-il imposé une sorte de dictature morale aux Genevois, soumettant leur vie quotidienne à une surveillance disciplinaire sans précédent ?

Publié en 1897, l’ouvrage du pasteur et historien, Eugène Choisy (1866-1949), La théocratie à Genève au temps de Calvin, semblait accréditer l’idée qu’un régime fondé sur la domination de la vie publique par l’Eglise avait bien pris forme à Genève. Tout en parlant de « système théocratique », Choisy concluait pourtant que la cité avait plutôt connu une sorte de « bibliocratie », dans laquelle la société se conforme aux normes tirées de l’interprétation calvinienne de la Bible. Il y a en effet des éléments permettant de corroborer cette thèse, comme la décision du gouvernement genevois qui reconnaît que l’ouvrage fondamental de Calvin, l’Institution de la religion chrétienne, expose la doctrine officiellement reçue dans la cité, en déclarant que ce livre est « sainctement faict et sa doctrine, saincte doctrine de Dieu» et en interdisant de « parler contre ledit livre ny ladite doctrine ».

Les historiens ont cependant pour la plupart jugé que le terme de « théocratie » ne peut s’appliquer au régime politique et ecclésiastique genevois. Si Calvin a effectivement exercé une forte influence sur les autorités, son pouvoir ne s’est jamais étendu au-delà des affaires ecclésiastiques. L’Eglise a certes pu conquérir une sphère d’autonomie à son époque en défendant son droit à excommunier les pécheurs scandaleux, mais elle demeurait soumise pour tout le reste aux magistrats. Avec le temps, l’autorité de ces derniers a de plus eu tendance à s’étendre au détriment de celle des ministres. On est donc en présence à Genève non d’une « théocratie », mais bien d’une Eglise d’Etat, dans laquelle les pasteurs, nommés par le magistrat et par conséquent dépendants de ce dernier, conservent toutefois un droit de remontrance sur l’action de la puissance publique – remontrance qui se fonde sur l’interprétation de la Bible. C’est cette forme d’équilibre que célèbre le repas commun des magistrats et des ministres tel que l’illustre la gravure.

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22 – Présentation des sources


Pour réaliser l’exposition que vous venez de découvrir, les historiens ont étudié les sources, c’est-à-dire les documents nous sont parvenus de cette époque et qui sont conservés entre autres aux Archives d’Etat.

Les archives sont l’ensemble des documents reçus ou produits par une personne physique ou morale, ou par une institution publique ou privée, organisés selon l’activité de cette personne ou de cette institution, et conservés en vue d’être utilisés à des fins administratives ou historiques.

Les principales sources étudiées ici  sont les registres du Conseil, les archives de l’Eglise, les procès criminels, les registres de paroisse ainsi que des ouvrages anciens de la bibliothèque des AEG. Cette vitrine présente les registres du Conseil ainsi que les archives de l’Eglise protestante de Genève.

Les registre du Conseil

Les registres du Conseil constituent la source principale pour toute personne qui s’intéresse à l’histoire de Genève. Il s’agit des registres de décisions, et pièces annexes, des autorités exécutives et législatives de la Communauté des citoyens et bourgeois, puis Ville et République, puis République et Canton de Genève. Il s’agit aujourd’hui des procès-verbaux du Conseil d’Etat. Cette série est conservée en continu de 1409 à nos jours, ce qui est assez unique en Europe, avec une interruption durant la période française (1798-1813)

Les registres des années 1409 à 1541 ont été édités, c’est-à-dire qu’ils ont été transcrits, annotés et publiés.

Les archives de l’Eglise

Pour préparer une exposition sur Genève au temps de la Réforme, il est évidemment indispensable d’étudier les archives produites par l’Eglise elle-même. Ces documents sont conservés depuis 1937 aux Archives d’Etat.

Comment s’est constitué le fonds des archives de l’Eglise?

Le 20 novembre 1541, le Conseil général (l’assemblée des citoyens) adopte les Ordonnances ecclésiastiques. Ces ordonnances organisent la vie de l’Eglise en y instituant quatre fonctions ou ministères, les pasteurs, les docteurs, les anciens et les diacres. Elles donnent naissance à deux nouveaux organes: la Compagnie des pasteurs et le Consistoire, qui vont produire des documents, donc des archives.

Les archives de l’Eglise sont composées de 2 fonds principaux:

Les archives du Consistoire (1542-1929)

Les Anciens forment le Consistoire: c’est une chambre qui réunit douze pasteurs et douze membres du gouvernement, sous la présidence de l’un des magistrats suprêmes. Il y a  un secrétaire, chargé de prendre les procès-verbaux des séances. Les Anciens, selon l’article 37 des “Ordonnances”, doivent être répartis dans les différents quartiers de la Ville à raison d’un Ancien par mille habitants, “pour avoir l’œil à tout”. Le Consistoire est chargé de surveiller les comportements des particuliers, de réprimer les pratiques et les croyances déviantes, d’arbitrer les conflits entre particuliers  et d’obtenir leur amendement en cas d’indiscipline. Cette sorte de tribunal des mœurs et tribunal matrimonial ne peut toutefois prononcer que des peines ecclésiastiques, soit la privation de la cène. Dans les cas entraînant une sanction pénale, le coupable est déféré au Petit Conseil. Le Consistoire s’assemble tous les jeudis.

Les registres du Consistoire constituent une source très riche pour l’étude de nombreux aspects de l’histoire de Genève. Si des Consistoire ont été institués dans toutes les Eglises réformées, rares sont celles qui conservent encore une collection aussi étendue et continue de registres pour l’ensemble de l’Ancien Régime (plus de 90 registres). On y trouve de nombreuses affaires concernant les croyances et  les pratiques religieuses,  la sexualité et le mariage, avec tout ce qui s’y rapporte, promesses de mariage, fornication, adultère et divorce, mais on y rencontre aussi d’autres questions comme l’ivrognerie, le blasphème, l’usure, la mendicité, les danses et les chansons, les guérisseurs et les devins, les jeux, etc., Au travers de ces procès-verbaux se dessine petit à petit une certaine image de la culture populaire, du tissu social genevois et de la moralité de la Genève de cette époque.

Les archives de la Compagnie des pasteurs (1546-1944)

La Compagnie des pasteurs regroupe l’ensemble des ministres de Genève, aussi bien ceux  de la ville que ceux de la campagne. Les principales compétences de la Compagnie des pasteurs sont la doctrine et l’enseignement. Elle veille notamment à l’orthodoxie de ses membres, régit le culte, présente aux autorités les futurs ministres et enseignants, organise la charité, contrôle les imprimés et entretient des rapports avec les autres Églises réformées. La Compagnie des pasteurs se réunit le vendredi; ses délibérations et ses décisions sont consignées par écrit par un secrétaire.

Les procès-verbaux des séances de la Compagnie des pasteurs offrent un matériel d’étude d’une grande diversité, qui éclaire l’histoire religieuse, mais aussi sociale de Genève, et plus particulièrement l’élaboration de la discipline ecclésiastique de la nouvelle Église, les difficultés rencontrées dans son organisation, l’éducation et les échanges avec l’étranger. Les questions débattues à la compagnie des pasteurs ont un caractère plus international que celles débattues au Consistoire ; c’est là qu’étaient discutées les questions posées par les Eglises de France et d’ailleurs et que l’on envisageait ce qu’il convenait de leur répondre.

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23 – Numérisation et mise en ligne des documents


Pourquoi numériser des archives?

La numérisation et la mise en ligne des documents répondent à un triple objectif:

  • Préserver les fonds d’archives originaux (qui ne sont plus soumis à des manipulations)
  • Faciliter l’accès aux sources en tout lieu et en tout temps
  • Valoriser le patrimoine archivistique

Dans le cadre de la numérisation des séries anciennes, les documents originaux sont bien évidemment conservés.

Les Archives d’Etat sont équipées d’un atelier de numérisation. Les séries de documents qui bénéficient d’une campagne de numérisation sont soigneusement sélectionnées (fréquence de consultation, état des documents originaux, etc.).

L’activité de numérisation est encadrée et documentée par la “Politique et bonnes pratiques de numérisation aux Archives d’Etat de Genève”, document disponible sur le site internet des AEG.

Une fois numérisés, les documents originaux sont retirés de la consultation.

Les images sont ensuite mises en ligne sur Adhémar, la base de données des AEG. L’interface de consultation permet une visualisation sous quatre tailles différentes.

Il est à noter que les documents mis en ligne représentent quantitativement une infime partie des fonds conservés. En effet, il n’est pas possible de numériser l’ensemble des fonds d’une institution d’archives publiques qui couvrent mille ans d’histoire.

Le projet de numérisation et de restauration des registres de l’Eglise et l’Association de restauration et numérisation des registres du Consistoire et de la Compagnie (ARRCC)

L’Eglise protestante de Genève a déposé un premier lot de ses archives historiques aux AEG en  1937. Ces documents, dont les plus anciens datent de 1542, abondamment consultés, n’étaient plus dans un état qui satisfasse aux règles de conservation et de consultation.

Pour y remédier,  l’ARRCC a été créée en 2012 avec l’objectif de réunir les fonds nécessaires à la préservation des archives de l’Eglise. Ainsi, par ce projet conduit par les AEG, les 182 registres de procès-verbaux du Consistoire et de la Compagnie des pasteurs sont en cours de restauration et ont pu être numérisés (XVIe-XIXe siècles). Ils sont accessibles en ligne sur Adhémar, la base de données des AEG.

Deux jeux de microfilms de sécurité des images numériques sont produits et conservés: un dans l’abri central de la Confédération et l’autre dans celui de la protection des biens culturels (PBC) genevoise.

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24 – Matérialité des registres et restauration


La préservation

Chaque document d’archives est unique et doit être traité avec le plus grand soin. Leur  conservation, ou préservation, relève de la mission des institutions d’archives.

La conservation est l’ensemble des mesures visant à préserver l’intégrité des documents et des informations qu’ils contiennent. La notion de conservation recouvre plusieurs aspects: les magasins d’archives et le contrôle des conditions climatiques, la formation du personnel et des usagers, la manipulation, le conditionnement et l’entreposage des documents, le bâtiment et la sécurité.

Il s’agit ainsi de suivre un programme favorisant l’organisation des différentes interventions en matière de préservation, avec une approche intégrée et globale. Ce programme s’applique à l’ensemble des archives du service. L’application des mesures prévues par la gestion de la préservation permet de conserver les fonds d’archives dans de bonnes conditions, à savoir de prévenir, d’arrêter ou de retarder leur dégradation par des conditions de stockage et d’exploitation adéquates.

La préservation fait partie intégrante des fonctions de chacun des collaborateurs.

La restauration

Lorsqu’un document est très endommagé, il est confié à un restaurateur professionnel qui lui fera subir un traitement respectant au mieux sa nature originelle.

Grâce au projet de numérisation et de restauration des registres de l’Eglise débuté en 2012, les documents qui le nécessitent seront à terme tous restaurés. 75 volumes ont été restaurés entre 2013 2016.

Un certain nombre de principes sous-tendent l’intervention de restauration. Tout d’abord, le traitement doit être le moins invasif possible afin de préserver l’intégrité du document ainsi que ses éléments historiques, tout en permettant de stabiliser les dommages et de ralentir le processus d’altération. Ensuite, le traitement choisi doit toujours être réversible. Il est ainsi essentiel de ne pas modifier l’objet de manière irréversible et de garder la possibilité de revenir à l’original. Par exemple, lors de la confection d’une reliure de conservation, la reliure originale est déposée et conservée avec le protocole de restauration. Enfin, l’intervention du restaurateur doit rester apparente.

Les restaurateurs sont des professionnels indépendants qui travaillent sur mandat dans l’atelier des Archives d’Etat. Ce système de fonctionnement original permet de garder les documents en cours de traitement dans l’institution, de proposer des installations performantes et surtout de recourir, selon les besoins, à des spécialistes du papier, du parchemin, de la reliure, des sceaux ou encore des plans.

Chaque travail de restauration fait l’objet d’un protocole dans lequel sont consignés les traitements subis, les matières utilisées, un plan de montage des cahiers et des photographies ou des éléments déposés faisant partie intégrante de l’histoire du document. En outre, l’analyse du document et le relevé détaillé de ses caractéristiques, le choix du traitement, les méthodes employées, les matériaux utilisés sont soigneusement consignés dans le protocole afin de permettre aux générations futures de comprendre les interventions subies par l’objet et aux chercheurs de prendre connaissance d’éléments historiques révélés lors de l’intervention et invisibles autrement.

Il est en effet important de documenter les interventions effectuées lors de chaque travail de restauration afin que les générations futures soient en mesure de connaître les changements subis par le document au fil du temps.

Les documents dont l’état ne nécessite pas de mesures de restauration seront placés dans des conditionnements appropriés, à savoir des boîtes de conservation fabriquées sur mesure.

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