Restitution du mandat de Calvin

Le mandat de Calvin restitué aux Archives d’État le jeudi 12 octobre 2017 est visible dans l’exposition Côté chaire, côté rue, prolongée jusqu’au 1er mars 2018.

Entrée libre du lundi au vendredi de 8h à 17h, rue de l’Hôtel-de-Ville 1

 

 

Un  mandat disparu réapparaît à New York

Au mois de novembre 2016, un mandat du réformateur Jean Calvin figure dans le catalogue d’une vente prévue à New York par Sotheby’s. Découvrant cette vente, Genève souhaite alors rentrer en possession d’une pièce dont elle s’estime propriétaire légitime. Le président du Conseil d’État écrit officiellement à la maison de vente qui immédiatement retire le document de son catalogue, comme cela arrive lorsqu’un objet pose un problème juridique.

Quand a-t-il été volé? 

Sans en avoir la preuve formelle, on peut supposer que ce mandat a fait partie d’une collection que s’était constituée un célèbre historien genevois en piochant au cours du XIXe siècle dans les fonds des Archives d’État. L’indélicat tente ensuite de vendre sa très importante collection à Paris, sans succès. Finalement, les descendants de la troisième génération restituent officiellement ces documents historiques aux Archives d’État. Mais pas tous. En effet, depuis cette restitution, des pièces de nature identique apparaissent au gré des catalogues et des ventes.

Quel droit appliquer? 

L’origine du mandat de Calvin n’est pas contestable ni contestée. En effet, tant le contenu que la forme ne laissent planer aucun doute. Or les systèmes juridiques suisses, américains, mais aussi internationaux sont tout en nuances et les questions qu’ils posent se révèlent différentes. Son propriétaire originel, soit l’État de Genève, n’aurait-il pas fait preuve d’une négligence coupable en ne veillant pas correctement à la conservation de son patrimoine archivistique? Comment opposer au possesseur actuel un droit de propriété qui n’aurait peut-être pas été revendiqué par le passé? Faudrait-il racheter une telle pièce ou la récupérer en évitant d’alimenter le marché des collectionneurs, donc en obtenant sa restitution?  L’administration cantonale a répondu à ces questions en rédigeant un très important mémorandum comptant une centaine de pages. On y découvre curieusement que la jurisprudence suisse s’avère assez maigre en la matière. 

La valeur des archives 

Il a fallu démontrer que dès l’origine de la communauté des citoyens, les archives ont fait l’objet d’une attention particulière. Plusieurs historiens suisses et américains appuient en outre la démarche en rédigeant des avis d’experts. Genève sollicite et obtient le concours des autorités fédérales suisses. Le FBI se penche sur l’affaire, tout comme le Département de Justice à Washington. 

Une conclusion heureuse

Finalement, le 12 octobre 2017, l’État de Genève s’est vu restituer ce document issu de ses fonds d’archives. Il s’agit ainsi d’une conclusion heureuse et d’un signe fort: le caractère imprescriptible et inaliénable du patrimoine archivistique public a été reconnu.

Mandat de Calvin

Qu’est-ce qu’un mandat?

Sous l’Ancien Régime, les ministres et officiers de Genève étaient payés généralement par trimestre au moyen de mandats adressés par le Conseil au trésorier, qui était chargé de leur verser la somme indiquée dans les mandats. À la réception de la somme en question, les ministres et officiers contresignaient les mandats, qui servaient ainsi de reçus.

Le mandat du 15 décembre 1553

Datant du 15 décembre 1553, ce document est un mandat attestant la remise, par les autorités genevoises, de la somme de 125 florins en faveur de Jean Calvin, pour ses gages du trimestre d’hiver, en sa qualité de ministre de la Ville. En bas à droite du mandat se trouve la signature autographe de Calvin, du 29 décembre 1553.

Le salaire annuel de Jean Calvin se montait à 500 florins et était versé en quatre trimestres. Le florin était une monnaie d’or émise à l’origine à Florence. En 1547, un maître d’école à Genève recevait 450 florins par année. Il gagnait ainsi quatre fois et demie plus qu’un ouvrier spécialisé comme un maçon (100 florins). Aux 500 florins attribués à Calvin s’ajoutaient certainement des revenus en nature (vin, froment).

Transcription, en français moderne, soit avec l’orthographe actuelle:

«Nous, syndics et Conseil de Genève, etc., à notre bien aimé général trésorier, salut etc., et commandons que délivrez à [re]spectable M, Jean Calvin, notre bien aimé ministre de la parole de Dieu en cette cité, à savoir la somme de cent vingt-cinq florins petit poids, à lui dus pour son gage de ce présent quartemps [trimestre] de Noël, de laquelle somme nous, rendant les présentes et quittant, vous tiendrons compte et quitte. Donné ce quinzième decembris 1553.

[signatures] Bothellier. Pierre Wandel. Beguin.

Je confesse avoir reçu la somme ici couchée par les mains de monsieur le trésorier Dupuis, ce 29 de décembre 1553.

[signature] J. Calvin»