Les Midis des Archives

Parler archives entre midi et deux, ça vous dit ?

En résonance avec cinq grandes dates qui ont marqué l’histoire de la République, les Archives d’État (AEG) vous invitent à découvrir des pièces historiques célèbres, insolites ou méconnues.

Les Midis des archives aux AEG

Le passé de Genève est jalonné d’événements constitutifs de son histoire. Les Archives d’État en conservent la mémoire. Procès criminels, enquêtes judiciaires, pièces à conviction, placards, partitions, manuscrits ou encore registres d’état civil : à l’occasion des midis des Archives, de précieuses sources sont exposées au public et décryptées par l’équipe des AEG. La visite est libre, gratuite et informelle.

La découverte de pièces historiques à l’occasion de visites libres

Les Archives d’État jouent un rôle central dans la République : elles renforcent la démocratie en garantissant un accès aux documents qui légitiment l’exercice du pouvoir. Parallèlement à cette mission, elles conservent aussi des traces plus infimes et intimes du quotidien des Genevoises et Genevois. En ouvrant leurs portes à la Cité lors des midis des Archives, les AEG proposent ainsi à tout un chacun de se familiariser avec un patrimoine archivistique hors du commun.

Pour cette première édition, cinq vendredis ont été retenus. Ces jours-là, autour de dates importantes pour Genève ou d’événements marquants, c’est toute une mémoire institutionnelle, sociale et culturelle qui s’offre au regard.

Entre 12h et 14h, l’équipe des AEG accueille le public et se tient à sa disposition pour contextualiser les documents exposés. Les midis des Archives ne sont pas conçus comme des rencontres savantes; ils ambitionnent plutôt de valoriser une culture partagée à l’occasion de discussions informelles.

Programme

11 avril 2025: Michée Chauderon, la dernière sorcière exécutée à Genève (1652)

La première séance des Midis des Archives est consacrée à l’affaire Michée Chauderon. Pendue et brûlée sur la place publique le 6 avril 1652, la lavandière catholique est la septantième et dernière personne condamnée à mort pour crime de « maléfice » dans la République réformée de Genève. Sa pendaison publique et la combustion de son cadavre annoncent la fin de la « grande chasse aux sorcières ». Devenu très tôt une cause célèbre, son cas n’a depuis cessé d’agiter l’opinion publique.

Enquête, interrogatoires, procès-verbal de torture (estrapade), rapports médico-légaux, confessions, jugement, sentence d’exécution : différentes pièces du dossier judiciaire seront exposées, donnant la parole aux protagonistes de cette cause célèbre (prévenue, femmes accusatrices, chirurgiens, médecins, magistrats). D’autres procès en sorcellerie, registres d’écrou et livres des morts seront également montrés au public, de même qu’une sélection d’ouvrages issus de la bibliothèque des Archives d’État.

 

30 mai 2025: L’entrée de Genève dans la Confédération (1814-1815) 

Le dimanche 1er juin 2025, comme chaque année depuis deux siècles, Genève fêtera son entrée dans la Confédération. Que signifie exactement cette date pour le canton, au-delà du récit commémoratif?

Le 1er juin 1814, par un après-midi ensoleillé, deux bataillons fribourgeois et soleurois débarquent au Port-Noir sur la rive gauche du Lac Léman. Ne pouvant passer par voie terrestre, la République n’entretenant alors aucune frontière avec la Suisse, les troupes arrivent ainsi à Genève par le lac. La chorégraphie est orchestrée: tintements de cloches, coups de canons, arcs de triomphes floraux, guirlandes et cortèges d’enfants. En barques sur le Léman et tout au long des quais, une foule en liesse accueille les Confédérés comme prélude au futur mariage entre la cité du bout du lac et la Suisse. Cette date est cependant uniquement symbolique. Car ce n’est qu’un an plus tard, le 19 mai 1815, que Genève entre véritablement dans la Confédération en tant que 22e canton du pays. Pour autant, l’actuel territoire cantonal est progressivement façonné après de longues et difficiles tractations.

De quand date le tout premier traité d’alliance avec la Confédération? Comment Genève devient-elle suisse? Pourquoi les canons tonnent-ils à l’aube du 31 décembre de chaque année? Qu’entend-on par «Communes réunies»?

Traités d’alliance, affiches, placards, cartes, gravures, aquarelles, registres, documents de l’époque française: différentes pièces originales issues des fonds des Archives d’État – dont l’original du Traité de réunion de Genève à la Confédération de 1815 – ainsi qu’une sélection d’ouvrages de la bibliothèque seront exposés, permettant d’appréhender l’évolution du territoire et de la souveraineté de la République de Genève entre Ancien Régime et époque contemporaine.

Le public est invité à découvrir ces sources de manière libre entre 12h et 14h, que ce soit pour un petit ou un long moment selon sa disponibilité. À 12h15, 12h45 et 13h15, une introduction générale sera présentée. Dans les intervalles, l’équipe des AEG répondra aux questions et commentera les sources présentées.

 

12 septembre 2025: Sissi, l’Impératrice assassinée sur le quai du Mont-Blanc (1898)

Le 10 septembre 1898, Élisabeth de Wittelsbach, Impératrice d’Autriche, est assassinée sur le quai du Mont-Blanc. La veille, celle que l’histoire populaire a retenue sous le nom de Sissi, rallie Genève depuis sa villégiature de Caux sur les hauts de Montreux. Ce samedi 10 septembre à 13h35, alors qu’elle quitte l’Hôtel Beau-Rivage, un individu surgit à la hauteur du monument Brunswick et la frappe au thorax à l’aide d’une lime. Sissi décède environ une heure plus tard d’une hémorragie interne à l’âge de 61 ans. Le surlendemain une foule considérable s’assemble sur le quai du Mont-Blanc: l’Impératrice y reçoit les hommages des autorités civiles, religieuses et militaires de la Suisse entière.

Quelques instants après l’attentat, Luigi Lucheni est arrêté. L’homme de 25 ans est présenté par la presse comme un anarchiste italien, né à Paris de père inconnu et trimballé toute son enfance d’orphelinats en familles d’accueil. À son procès, le 12 novembre 1898, il se revendique anarchiste et se félicite de son acte. Condamné à la réclusion à perpétuité, Lucheni rédige ses mémoires dans la prison de l’Évêché à Genève. Le 19 octobre 1910, il est découvert mort dans son cachot. Son corps, mais également sa vie et ses écrits sont alors disséqués par les plus éminents spécialistes de la psychiatrie légale. Le cas Lucheni devient ainsi emblématique des grands débats qui animent l’anthropologie criminelle à la charnière des XIXe et XXe siècles.

Différentes pièces originales issues des fonds des AEG ainsi qu’une sélection de publications permettront au public de revenir sur cet événement: acte de décès de Sissi, sources relatives aux jours suivant son trépas, dossiers de police de Lucheni, mais également procédures pénales, jugement, documents pénitentiaires, photographies judiciaires et effets personnels de l’assassin. Ce corpus sera l’occasion d’appréhender les conceptions criminologiques de l’époque entre “péril anarchiste” et pratiques médico-légales.

 

10 octobre 2025: Vacances de patates ou de pommes de terre?

L’année scolaire est ponctuée de périodes de vacances qui rythment la vie professionnelle et familiale tout en paraissant ancrées dans la longue durée, comme si elles avaient toujours existé. Elles reflètent les valeurs, les rythmes et les priorités d’une époque qui les façonne. Si, aujourd’hui, les vacances incarnent une société de consommation, elles ont aussi été, par le passé, le miroir de cultures différentes, plus proche des cycles agricoles et des fêtes religieuses, avec des objectifs et une organisation qui leur étaient propres.

L’école publique se construit au XIXe siècle sur l’héritage de l’Ancien Régime, notamment le Collège et l’Académie. Ces établissements, destinés à préparer les futurs ministres et juristes, ont laissé une empreinte sur la construction d’un système éducatif qui, au fil des lois successives, sépare progressivement l’enseignement laïc du contrôle religieux, pour s’inscrire dans une perspective républicaine en proposant une école gratuite et obligatoire pour tous de 6 à 15 ans.

Les débats sur l’organisation des vacances scolaires apparaissent comme relativement marginaux au regard des enjeux qui se nouent autour de l’instruction publique. Ils laissent cependant apparaître comment les rythmes traditionnels ont été progressivement modifiés dès le XIXe siècle par les exigences d’une société de plus en plus urbanisée et mécanisée.

Cadastres, lois, règlements, Constitution de la République et Canton de Genève du 24 mai 1847, lettres et photographies: différentes pièces originales issues des fonds des Archives d’État – dont le document le plus ancien conservé par les AEG: la donation de la comtesse Eldegarde datée de l’an 912 – ainsi qu’une sélection d’ouvrages de la bibliothèque seront exposés, permettant d’appréhender l’évolution des vacances de l’Ancien Régime à l’époque contemporaine.

 

12 décembre 2025: «C’était l’an mil six cent et deux»: l’Escalade (1602)

La nuit du 11 au 12 décembre 1602 (21-22 décembre selon le calendrier actuel), les troupes du duc de Savoie Charles-Emmanuel, menées par le seigneur d’Albigny, tentent d’envahir Genève par surprise. En raison de la configuration de la ville protégée par des remparts, l’assaut doit en premier lieu se faire par escalade à l’aide d’échelles.

Planifiée depuis plus d’un an, l’attaque se déroule la nuit du solstice d’hiver, choisie pour son obscurité et sa longueur. À deux heures trente cependant, alors que l’avant-garde savoyarde est parvenue à se hisser en haut des murailles, l’alarme est donnée par deux sentinelles. La Clémence (cloche de la Cathédrale Saint-Pierre), puis le tocsin sonnent, bientôt relayés par toutes les cloches de la ville. Pour les Savoyards, la tentative de conquête de Genève se solde par un échec. Après quelques manœuvres diplomatiques infructueuses, le duc de Savoie se résout à signer la paix. Le traité de Saint-Julien (1603) qui en découle entérine implicitement l’indépendance de Genève.

Au-delà de l’événement qu’elle représente pour les Genevoises et Genevois, l’Escalade s’inscrit plus globalement dans le conflit que se livrent alors les grandes monarchies pour leur hégémonie en Europe. Au surplus, dans une ville devenue depuis Jean Calvin l’un des épicentres de la Réforme, la prise de Genève se double d’un combat pour la suprématie religieuse. À cet égard, ce midi des Archives est l’occasion de replacer l’Escalade dans le contexte historique et géopolitique qui la conditionne.

Première édition du Cé qu’è laino, traité de paix de Saint-Julien (1603), traités de combourgeoisie entre Genève, Berne et Zurich, correspondances diplomatiques dont une lettre du roi de France Henri IV, sources relatant les événements, plan des fortifications, gravures : différentes pièces originales issues des fonds des Archives d’État ainsi qu’une sélection d’ouvrages de la bibliothèque seront exposés, permettant d’appréhender l’Escalade sous un angle moins connu.